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11/08/2006

Les requins pèlerins ne sautent pas pour flamber

On sait qu’il arrive aux requins pèlerins de sauter hors de l’eau, ce que l’on ignore en revanche, c’est la raison qui les y pousse. Certains envisagent, du fait de la présence fréquente d’autres spécimens dans les environs lorsque ce comportement a pu être observé, qu’il puisse s’agir d’une démonstration de puissance dans le cadre d’une parade nuptiale. On n’a pourtant jamais, à ma connaissance, observé de tels comportements, précédant l’accouplement, chez d’autres espèces de requins. Il s’agit plutôt là d’un comportement propre à certains mammifères.

En revanche nombreux sont les requins qui sautent en dehors de l’eau. A ma connaissance, le requin mako, le requin cuivre, le requin blanc, le requin renard, pour ne citer que ceux là, sont régulièrement observés sautant complètement en dehors de l’eau. Si ce comportement est fréquemment observé, il est en revanche rarement documenté. La difficulté est là. Il est quasiment impossible de savoir où et quand un requin sautera. Ainsi lors d’une promenade en bateau sur le lac Santa Lucia en Afrique du Sud, le guide me signala qu’il observait régulièrement de jeunes requins du Zambèze sauter en dehors de l’eau, mais que personne n’était jamais parvenu à les photographier. Là encore, on ne savait pas ce qui provoquait ces sauts.

Le monde entier à découvert ce comportement, pourtant observé depuis longtemps par les pêcheurs, chez les grands requins blancs d’Afrique du Sud, à la suite du documentaire Air Jaws, produit par Discovery. La vraie découverte ne fut pas celle de ce comportement en soi, mais le fait de trouver un endroit où il se produisait régulièrement et de trouver la manière de le provoquer artificiellement afin de pouvoir le filmer et l’étudier. C’est ce qui a fait la fortune de Chris Fallows et qui a permis à tous les grands noms de la photo sous marine, de David Doubilet à Amos Nachoum, d’y aller de leur photo de grand blanc en suspension. En 2005, lors du Sardine Run, j’ai pu observer des requins cuivres sautant en dehors de l’eau à raison d’un toutes les 30 secondes pendant 20mn. L’un d’eux a décollé d’au moins un mètre ou deux de la surface à trois mètres de notre zodiac. C’est le fait que les sauts se soient répétés les uns après les autres qui m’a permis, après de longues minutes passée à filmer la surface et les oiseaux qui la transperçaient, de capturer tant bien que mal sur film deux de ces sauts (voir capture vidéo dans l'album "Sardine run 2005"). La présence de nombreuses poches de sardines et l’activité des oiseaux ne laissait planer aucun doute quant à ce qui motivait ces sauts. Il s’agissait évidemment de prédation, comme pour les blancs d’Afrique du Sud. Les requins cuivres fonçaient probablement à travers les poches gueules ouvertes en venant du dessous. Ils traversaient sans doute la surface, emportés par leur élan.

Il se pourraient qu’il en aille de même pour les pèlerins et que la prédation soit aussi ce qui les pousse à sauter. Alors que je plongeais dans le sud de l’Angleterre en juin 2004, on me rapporta une observation unique, non documentée à ma connaissance, où trois requins pèlerins avaient été vus encerclant un petit banc de maquereaux. Le témoin de la scène, un opérateur de plongée local tout ce qu’il y a de plus raisonnable et fiable et qui constitue certainement une des personnes au monde à avoir vu le plus de requins pèlerins dans sa vie, me fit part de sa surprise à la vue de ce comportement étrange de la part de squales qui sont réputés ne se nourrir que de plancton. Au bout de longues minutes passées à frôler les maquereaux pour les obliger à se serrer les uns contre les autres, un des trois pèlerins sauta soudainement en dehors de l’eau pour retomber au beau milieu des maquereaux. Peu après, la surface, à l’endroit où le requin était retombé, pris une teinte légèrement orangée. C’est alors qu’on vit les ailerons des requins traverser cette nappe orange. Notre ami témoin de la scène décida de s’approcher pour voir de quoi il en retournait. Quelle ne fut pas sa surprise de constater que ce qui teintait l’eau était en fait des œufs de maquereaux dont les requins étaient en train de se repaître. Probablement qu’en retombant sur les maquereaux, le requin avait provoqué une réaction de panique chez les femelles pleines qui leur avait fait libérer leurs œufs. Comment les requins pèlerins avaient-ils découvert cette astuce de chasse ? Nul ne le saura jamais. Ce comportement est-il propre à l’ensemble des requins pèlerins de par le monde, je n’en sais rien. Ce qui est clair en revanche, c’est que, dans ce cas au moins, la prédation était la cause du saut. Comme pour le requin cuivre et le requin blanc. Les requins pèlerins ne sautent donc pas pour flamber.

07/08/2006

Des requins bouledogue en Angleterre ?

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Même à travers l'eau pourtant cristalline de Walker's Cay et à trois mètres au dessus de la surface, il n'est pas facile de remarquer le museau arrondi de chacun de ces requins bouledogues.

Un requin bouledogue aurait été aperçu au cours de l’été 2005 par un surfeur à Sennen Cove, au sud de l’Angleterre. Ce dernier, familier des requins d’après le reportage de la BBC, aurait distinctement reconnu, assis sur sa planche, la silhouette caractéristique d’un requin bouledogue au corps sombre et massif et au museau arrondi. Si cette observation venait à être confirmée, il s’agirait de la première observation d’un requin de cette espèce en Angleterre.

Certes la température de l’eau, autour de 19°c maximum au mois d’août sur la côte du Cornwall, rend la chose envisageable. On a bien capturé un bouledogue au nord de l’île sud de la Nouvelle Zélande récemment. Or la température de l’eau en été peut y atteindre 20°c maximum. 19°c constitue donc sans doute la température minimale autour de laquelle on trouve encore le bouledogue.

Néanmoins, la chose semble peu probable. On voit mal pourquoi un bouledogue, espèce relativement sédentaire pour un grand requin, aurait soudainement remonté les côtes africaines vers l’Europe. La réponse à la question se trouve probablement plutôt du côté du surfeur. Il paraît impossible, sauf éventuellement à un spécialiste dont le nombre au monde se compte sur les doigts de deux mains, d’identifier à coup sûr un requin bouledogue au ras de l’eau, comme peut l’être un surfeur, de surcroît à travers le clapotis. Le museau arrondi semble le détail de trop. La livrée sombre ne prouve rien, tout comme le côté massif. Il pouvait tout autant s’agir d’un petit requin pèlerin ou d’un requin taupe commun qui aurait suivi quelques proies en eau peu profonde, la première éventualité étant de loin la plus probable.

Curieuse coïncidence, cette observation intervient alors même qu’on n’a jamais autant parlé du bouledogue que depuis quatre ou cinq ans. On lui reproche tous les maux et on l’accable après coup de tous les crimes non résolus. Les surfeurs en on fait leur principale hantise.

A cela viennent se rajouter deux autres raisons qui expliquent cette hallucination. La première est à chercher autour de la thématique du réchauffement climatique. Il est vrai que les côtes anglaises ont vu leur température monter de plus de 1,5° au cours des dernières années. Les anglais s’attendent donc qu’à tout moment de nouvelles espèces fassent leur apparition. Ou l’espèrent-ils ? Il est vrai que le réchauffement devrait provoquer des changements. Ce qui nous conduit à la dernière raison. Il ne se passe pas grand-chose sur les côtes anglaises. On aimerait bien que ça change. Il n’y a pas grand-chose à voir entre la roussette et le requin pèlerin… quand on a beaucoup de chance. Les surfeurs anglais qui se caillent sur leur planche au milieu de la grisaille et des vagues intermittentes ont le temps d’y penser. C’est alors qu’ils s’inventent des requins tropicaux pour tromper la pluie.