Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/06/2013

Best dives with sharks : La Neverra, Malpelo, Colombia

La Nevera, Malpelo, Colombia, November 16, 2010


The Nevera, which means The Refrigerator in Spanish, is located on west side of the island of Malpelo, off the coast of Columbia. I dived at least 5 times at this site. You have to get to know just where the run of hammerheads lies and which area is most constant. Admittedly, you see hammerheads pretty much everywhere around Malpelo but nowhere with the same regularity as at The Nevera. At least, during my stay.

On my first dive at this site there was a bit of a current and I let myself be lead out of the most interesting zone too quickly. There is no need to cover too much distance at The Nevera. I learned my lesson later for the next time.

The drop off is fairly close to the island... around ten metres from the cliffs, at the edge of an abyss. From there, you descend directly to 25m to find the slope of the mountain which you follow as long as you wish. At 35m the slope becomes more gentle and becomes a stretch of sand which continues to descend. I don't know exactly to what depth.

I went down to 40m to notice 2 or 3 hammerheads cruising above the sand. One of them slowly approached me. He nodded his head so that he could be filmed better! In fact, he did it to clean himself better, as The Nevera, as around Malpelo in general, is a cleaning station, a resting place for the hammerheads. They do not come to the reef to feed. They can often be seen swimming in the direction of the current which is something that a shark will never do if he is in hunting mode.

I spotted some sharks a little further away and followed, still filming, for around 45/50m, accompanied by an Italian diver but leaving my wife behind as her Suunto Vyper would not allow her to dive any deeper. What happened next was like an apparition. A wall of hammerhead sharks loomed before me about 20m away. Rush hour? It was a group made up of small specimens (1m50 to 2m). There must have been between 60 to 80 of them... possibly more but it was impossible to say as visibility made it impossible to see. Unfortunately the flow of sharks dried up too quickly. So I had been put in the shoes of a pedestrian watching Pari Roller go by on a Friday evening in the summer, only to be disappointed when they passed as quickly as they had arrived. The whole event lasted only a few seconds, no more. They disappeared beyond the curtain of visibility, over the sand, like phantoms.One minute they were everywhere and suddenly... not one. They left as one solitary shark, perfectly synchronised.

Anyway, I was already around 7 minutes into decompression and it was definitely time to start my ascent. Not to the surface, I assure you, but towards the observatory. We went back up the sandy slope towards the rocky wall to the left of the reef, towards the observatory. The observatory really is the place to be at The Nevera. It is a rocky promentary looking into the blue, lying between 20 and 25, which has thoughtfully provided several rocky ledges for the use of the divers. Once in place you only have to wait to see the trafic arriving on the right. I got myself settled down, finding two other divers already installed – Spaniards who were filming a documentary. We stayed several minutes. Time enough to see two small groups of hammerhead sharks, one group of three and then one of six. What they lacked in numbers they made up for in size as they were significantly larger than those that we had met lower down. Groupers and jacks kept us company between these voyagers. The minutes of decompression were adding up and I decided to get back, leaving, regrettfully, my Spanish colleagues with a third group of hammerheads just passing by.

My Italian companion followed me and we saw our diving group disappearing (for your information, each diver had a tracking system which allowed him to signal his position to his buddy and to the boat in case of difficulty). Whilst coming up I noticed a white tip shark which did not really justify making a stop. At 10m we moved away from the wall and levelled out for 14 minutes. After around 10minutes we were rewarded with a visit from a school of yellowfin tuna. There must have been around 300 of them, parading right in front of our eyes without hanging around.

I was smiling as I left the water. I must have seen not far off a hundred sharks in just one dive.

Extraordinary dive? No doubt. One goes to Malpelo particularly for its banks of hammerheads and I had seen one. But I had expected a lot from Malpelo and I was left a little unsatisfied. How many sharks were in that group that we saw down there? Perhaps we only lacked better visibility in order to see a hundred or so more.

12/09/2012

Requins marteaux et requin des Galapagos à Malpelo

Novembre 2010, Malpelo, Colombie, cf. article précédent "meilleures plongées avec des requins : La Nevera" 

28/10/2011

Meilleures plongées avec des requins : N°7, Raggie Cave, Aliwal Shoal, South Africa

Raggie Cave à Aliwal Shoal est sans doute l’endroit du monde (avec le site homonyme de Protea Banks, 70 kms plus au sud, au large de Margate et Shelly Beach) où l’on peut voir le plus de requins taureaux en une seule plongée.

On peut également observer des variantes de cette espèce en Caroline du Nord, en Australie et même au Liban, ai-je entendu dire, mais dans des quantités bien moindre. Le surnom de Raggie vient de Ragged Toothed Shark qui est le nom que les sud africains donnent au requin taureau. En Australie, on l’appelle Grey Nurse Shark et aux Etats Unis Sandtiger shark, mais il s’agit, à chaque fois, à peu près du même requin à la très sale gueule de voyou des mers. Il ne faut jamais se fier à la tête des requins.

Du fait de son faciès peu engageant, ce requin a particulièrement été massacré durant les années 60-70, en Australie notamment, où l’importante population locale fut en partie décimée par les plongeurs amateurs qui découvraient les têtes de harpon explosives.  Il s’agissait pour eux d’un trophée facile qui devait permettre d’en accrocher d’autres (plus féminins), une fois à terre. Les dragueurs à la noix surfent toujours sur des malentendus. Ce requin, dont l’apparence peu engageante ne fait que cacher un caractère assez pacifique, constituait une proie de choix pour ces pêcheurs sous marin voulant faire sensation à leur retour au rivage.

Le résultat est qu’aujourd’hui la population australienne est décimée et peine à récupérer.

On trouve deux principaux endroits de congrégation des requins taureaux à Aliwal Shoal : Raggie Cave et Cathedral. Cathedral est, comme son nom l’indique un peu, une cave qui semble posséder une voûte mais qui possède vraiment une entrée. Raggie cave n’est pas vraiment une cave, juste une succession de perforations larges dans le récif. Un couloir.

Quand nous montâmes dans le zodiac par ce joli matin de Novembre 2001 sud-africain, tout craignait du point de vue du sens commun, la pluie et les vagues, notamment. La compagnie n’était pas terrible, non plus (4 amerloques dogmatiquement obsédés de sécurité et ouverts comme des huîtres).

Après avoir poussé le volumineux zodiac à l’eau, après que, ne voulant pas démarrer, il nous ait bien imprégnés de vapeurs de kérosène matinales, les américains  vomirent à peu près tous pendant les 5 kms qui devaient nous conduire au site de plongée. Les poissons volants que nous croisâmes et qui, comme le souligne Audiard, ne constituent pas la majeure partie de l’espèce, n’en revenaient pas.

Nous aperçûmes également deux ou trois dauphins sur le chemin et, à une centaine de mètres, une baleine à bosse. En Novembre, les baleines redescendent du Nord. Peu importe.

Un rayon de soleil se pointa et nous stopâmes. Quelques secondes de calme sur l’océan indien que n’interrompit qu’une forme noire, ondulée comme une nappe, sautant hors de l’eau. Il s’agissait en fait d’une raie aigle.

L’américaine demanda au skipper « C’était quoi ? Un morceau de plastique ? »

Le skipper sud africain lui répondit que bien sûr, il y a avait des gros morceaux de plastique qui flottaient au dessus de l’eau partout en Afrique. Tout doux.

Nous n’êumes pas le temps de creuser le sujet car un espadon bondit hors de l’eau, la queue en godille sur 1m ou 2 avant de replonger. Il était petit. Pas plus d’1m50, plutôt moins. L’américaine ne le confondit pas avec marteau-piqueur.

La seconde après, de l’autre côté du zodiac un plongeur pointa à son doigt vers la surface. « Là, un requin ! » Je mis quelques secondes à localiser le sujet de cette agitation. A une vingtaine de mètre, un aileron dépassait de la surface dans le plus pur style hollywoodien. Il s’agissait d’un aileron de requin marteau hallicorne qui s’approcha de nous avant de repartir sous l’eau.

Il était grand temps de plonger à notre tour. Après toutes ces distractions, le zodiac redémarra pour se positionner à la verticale du point de plongée et nous plongeâmes en flottabilité négative. Regroupement à 3m et nous continuâmes jusqu’en bas, jusqu’à 18m.

L’eau était bleue verte, remplie de particules flottantes, mais finalement assez claire. Une houle décidait du rythme de nos mouvements. Très vite, une fois en bas, on réalisait vite qu’on était sur le chemin d’une requin taureau, venu de nulle part, et qu’il fallait laisser passer. Les requins semblaient se laisser promener par la houle et se contentaient d’un léger battement de queue au bon moment pour aller dans le sens qu’ils souhaitaient. Ils avaient l’air léthargiques. Il paraît que les requins taureaux récupèrent durant le jour des accouplements nocturne pendant cette période à Aliwal. Ils montent en hiver vers Sodwana, Cape Vidal et le Mozambique, pour redescendre vers le cap avec une escale à Aliwal au retour. On y voit fréquemment de grandes femelles (3 ou 4m pour les plus grandes) le derrière de la dorsale lacéré par l’accouplement.

Le couloir de Raggie Cave est fait de sable. Les requins taureaux aiment le survoler. C’est aussi là qu’on peut trouver les dents qu’ils perdent souvent lors de leurs accouplements. Le truc alors, c’était de laisser filer son air et de se poster à plat ventre en attendant qu’un raggie passe juste au dessus de vous. C’est ainsi qu’on obtient les meilleurs angles de caméra. Ce jour-là, j’en vis tourner autour de moi plus d’une quinzaine. L'un chassait l'autre, l'autre découvrait l'un. Ils se déplaçaient comme une farandole de fantômes hypnotisés. La bouche entrouverte en permanence, ils filtraient l'eau en l'absence de toute langue.

Je remontais au bout de quarante cinq minutes passées face à face avec ces requins aux dents qui leur sortent de la bouche. J'étais émerveillé. Pourtant cette congrégation n'avait rien d'exceptionnel. Il est arrivé qu'on voit une centaine de requins taureaux en une plongée à Aliwal.
Je les avais surpris durant leur sieste. J’avais remarqué cette particularité qu’ils ont de prendre l’air à la surface pour se donner une flottabilité neutre et errer somnolant au dessus du récif. J'étais content. Arrivé à la surface, des requins plein les yeux, je retrouvais la jeune américaine du début.

Nous nous hissâmes sur le zodiac, elle enleva son masque et me demanda immédiatement : « Did ya see that turdle ?? », mais je ne l'entendis pas.

25/01/2011

Plongée N°3 : La Nevera, Malpelo, Colombie, le 16 Novembre 2010

 

Capture d’écran 2011-01-25 à 02.36.04.png

Un groupe de requins marteaux passant devant l'observatoire de La Nevera

 

 

 

La Nevera, qui signifie le réfrigérateur en espagnol, est située sur le côté ouest de l’île de Malpelo, au large de la Colombie. De tout mon séjour, j’ai dû plonger au moins 5 fois à cet endroit. Il faut reconnaître que c’est là que le flux de requins marteaux est le plus constant. Certes, on voit des marteaux un peu partout à Malpelo, mais nulle part avec la même régularité qu’à la Nevera. Tout du moins, pendant mon séjour.

Lors de ma première plongée sur ce site, il y avait un peu de courant et je me laissais entraîner trop rapidement hors de la zone la plus intéressante. Pas besoin de couvrir beaucoup de distance à la Nevera. Je devais l’apprendre par la suite.

La dépose se fait assez près de l’île. A une dizaine de mètres de la falaise. A flanc d’abîme. De là, on descend directement jusqu’à 25m pour trouver la pente de la montagne que l’on suit aussi longtemps que l’on veut. A 35 m la pente s’adoucit et fait place à une étendue de sable qui descend. Je ne sais pas jusqu’à quelle profondeur.

Je descendais jusqu’à 40 m pour apercevoir deux ou trois marteaux qui tournaient au dessus du sable. L’un s’approcha doucement. Il dodelinait de la tête comme pour mieux se faire filmer. Pour mieux se faire nettoyer en fait, car la Nevera, comme Malpelo en général est une station de nettoyage, un endroit de repos pour les marteaux. Ils ne s’approchent pas du récif pour se nourrir, on les voit souvent nager dans le sens du courant, chose que ne fait jamais un requin en mode chasse.

Distinguant d'autres requins un peu plus loin, je poursuivais tout en filmant jusqu’à 45/50m, accompagné par un plongeur italien, mais laissant derrière moi ma femme que son Suunto Vyper n’autorisait pas à descendre plus bas. Ce fut alors « comme une apparition ». Un mur de requins marteaux se dessinait devant moi à une vingtaine de mètres. L’heure de pointe ? Il s’agissait de tout un groupe de petits spécimens (1m50/2m)). Il devait y en avoir entre soixante et quatre-vingts. Peut-être plus, impossible à dire, la visibilité ne me permettant pas de voir au-delà. Hélas, le flot de requin se tarît un peu vite. Alors que je me mettais déjà dans la peau d’un piéton s’apprêtant à regarder passer Pari roller un vendredi soir d’été, quelle ne fut pas ma déception de les voir repartir aussi vite qu’ils étaient venus. Le tout dura quelques poignées de secondes, pas plus. Ils disparurent au delà du rideau de la visibilité, au dessus du sable, comme des fantômes. L’instant d’avant, ils étaient partout et, tout à coup, il n’y en avait plus un.  Ils s’en étaient allés comme un seul requin, parfaitement synchronisés.

Quoiqu’il en soit, j’étais déjà  entré en décompression d’environ 7 mn et il était grand temps d’amorcer la remontée. Pas vers la surface, je vous rassure, mais vers l’observatoire. Nous remontâmes l’étendue de sable vers la paroi rocheuse, récif côté gauche, pour aller nous installer à l’observatoire. L’observatoire, c’est le lieu où il faut être à la Nevera. Il s’agit d’un promontoire rocheux donnant sur le bleu, situé à entre 20 et 25, qui a le bon goût de comporter plusieurs roches plates sur lesquelles les plongeurs peuvent s’installer. Une fois en place il n’y a plus qu’à attendre en regardant arriver le trafic sur sa droite. Je m’installais, retrouvant là deux autres plongeurs espagnols qui filmaient un documentaire. Nous restâmes quelques minutes, le temps de voir passer deux petites formations de trois puis six requins marteaux. Le nombre était compensé par la taille des animaux qui était nettement plus imposante que celle du groupe rencontré plus bas. Mérous et carangues, nous tinrent compagnie entre les passages. Les minutes de décompression s’empilant les unes sur les autres, je décidai de rentrer, laissant à mon plus grand regret mes collègues espagnols avec un troisième groupe de 4 marteaux qui passaient.

Mon compagnon italien me suivait et nous aperçûmes alors à 10/15m, notre palanquée de départ (pour votre information chaque plongeur possédait un système de localisation permettant de signaler sa position à son buddy et au bateau en cas de difficulté). En remontant j’aperçus le long de la paroi un requin à pointe blanche qui ne justifiait pas à un arrêt. Arrivé à 10m nous nous éloignâmes de la paroi et commençâmes, un palier de 14mn. Au bout de dix minutes, nous fûmes gratifiés de la visite d’un banc de thons albacores. Il devaient être environ 300 et défilèrent sous nos yeux sans s’attarder.

En sortant de l’eau, je souriais. J’avais dû voir pas loin d’une centaine de requin en une plongée.

Plongée extraordinaire ? Sans doute. On vient à Malpelo pour ses bancs de marteaux notamment et j’en avais aperçu un. Mais on attend tellement de Malpelo que je restais un peu sur ma faim. Combien y avait-il de requins dans ce groupe rencontré en bas ? Il n’avait peut-être manqué qu’un peu plus de visibilité pour en distinguer une centaine de plus. 

 

 

13/10/2010

Meilleures plongées, Pinnacles, Ponta Do Ouro

Cela fait bien longtemps que je n’ai pas publié de post digne de ce nom. Ce n’est pas par négligence ou par paresse, juste que je n’avais grand chose à dire. L’impression d’avoir déjà abordé bien thèmes que nourrit l’actualité. Pas grand chose de neuf. Je n’aime pas reproduire les informations que l’on trouve ailleurs, métastase déplaisante de bien des blogs, tout au plus m’autorisé-je de temps en temps un point de vue propre sur une information qui ne l’est pas. Ce que je préfère cependant, c’est raconter des choses que je n’ai pas lues ailleurs, mais là encore je ne lis pas tout. Il me faut donc recharger les accus. Ce que je vais faire dans un mois, en partant plonger dans le Pacifique, histoire d’éviter les immersions dans le Pathétique. Je vais faire le plein d’histoires de requins, histoires de premières mains. Du moins, je l’espère. En attendant, pour ne pas me défausser une fois de plus, je vais vous raconter une plongée que j’ai faite l’année dernière, en 2000neuf.

Il m’est arrivé de voir plus de requins, de beaucoup plus près, mais cette plongée reste gravée car elle est si proche, si facile. Il suffit de prendre l’avion jusqu’à Johannesburg, de conduire 600 kms jusqu’à la frontière du Mozambique où vous attend un rastah local en pick up qui vous emmène 8 kms plus loin à Ponto Do Ouro. Un zodiac vous y attend.

 

 

Plongée N°4 : Pinnacles, Ponta do Ouro, Mozambique, Avril 2009

 

 

The Pinnacles. Enfin ! C’est là, à quelques encablures de la frontière sud-africaine que j’aurais dû voir mes premiers requins dans les années 90. La nature commençait tout juste à reprendre ses droits, après 16 ans d’une guerre pas très civile, et se montra à nous dans les magnifiques atours d’un très venimeux Puffadder. Les mines anti-personnel ne prenaient plus racines, mais fleurissaient encore un peu. L’une d’elles avait d’ailleurs explosé sous le 4X4 d’un ami, peu de temps avant (par miracle sans atteindre celui-ci) alors qu'il essayait naïvement de capter le réseau de téléphone portable sud africain, du haut d’une dune. J’étais alors un plongeur débutant et Pinnacles se déroba à moi le dernier jour, pour cause de mauvais temps.

 

Il me fallait donc retourner à la Pointe d’or. Retourner à Graceland (qui a changé de nom), ce bar dont les escaliers ne sont mémorables que dans un sens.

 

Le jour précédent, j’avais vu mon premier requin baleine (après tant de rendez-vous manqués) et je retournais pour la deuxième fois du séjour sur Pinnacles. J’avais déjà été gratifié de la présence de quelques requins du Zambèze, le jour précédent et j’en redemandais. Nous sortions d’une semaine de vacances des sud africains où les lieux avaient été archi peuplés de plongeurs et où le gros était parti élire momentanément domicile ailleurs. Les sud africains partis, les habitants revenaient occuper leur territoire. Nous le constatâmes.

 

Le problème, une fois les sud africains partis est de trouver suffisamment de plongeur pour aller sur Pinnacles. Le récif est éloigné et la sortie n’est rentable pour l’opérateur qu’à partir d’environ 7 plongeurs. Je me chargeais d’une partie du recrutement. Force est de constater que tout le monde ne veut pas plonger sur Pinnacles.

 

Mis à part Protea Banks en déclin, Pinnacles est l’un des derniers endroits d’Afrique Australe où la présence du requin bouledogue (aka requin du Zambèze) est presque garantie, pour peu qu’on évite l’heure de pointe. C’est surtout lui que l’on vient voir.

 

Comme Protea, Pinnacles est une plongée en dérive. On vous lâche généralement là où la concentration de requins bouledogues est censée être la plus forte. C’est pour cela qu’il faut faire une entrée négative et plonger rapidement vers le fond (35 m-40m) environ.

C’est ce que je faisais ce jour-là. Tout de suite, arrivé à 20 mètre j’apercevais sur le fond un gros requin du Zambèze, probablement une femelle, interprétant la danse lente et zigzagante caractéristique de son espèce. Un mètre au-dessus du fond, elle s’économisait en minorant l’impact du courant. Je la survolais brièvement, hésitant à lui faire face en me posant sur le fond pour lui tirer le portrait. Elle était vraiment très grosse. 3 m quand même et calibrée comme un sumo. J’auto-justifiais ma frousse en me disant qu’elle était quand même à 40 m et que j’allais cramer pas mal d’air en la rejoignant. Je repensais aussi à ce poisson scorpion sur lequel j’avais failli poser la main en me posant comme ça, une fois, bêtement sur le fond, comme un con. Mais en vrai, j’avais un peu les jetons, ces mêmes jetons qui font que je n’ai jamais eu le moindre problème.

 

Quoiqu’il en soit, mes hésitations furent rapidement tranchée quand j’aperçus mes compagnons qui s’éloignaient en regardant dans la direction d’un requin marteau qui nous contourna comme un avion de chasse. Les bombardiers n’étaient pas loin.

Alors que nous continuions à dériver au dessus du Pinnacle, nous tombâmes sur deux autres requins du Zambèze, plus petits cette fois qui tournaient à mi-eau puis au fond. A 20 mètres, j’en aperçus un troisième, de face, qui s’approchait juste dans ma direction.

Le moment où le vidéaste ne vit plus l’événement, mais vit de le filmer.

J’avais déjà vu plein de requins bouledogues. Ce que je voulais ce jour-là, c’était un gros plan de face avec le bleu pour seul fond. Trop préoccupé par ma prise, je ne remarquais pas que le museau était un peu aplati pour un bouledogue. Son arrivée de face masquait sa taille. Il se mit de côté et là, je m’aperçus qu’il ne s’agissait pas d’un bouledogue mais d’un requin tigre de 4m. De façon surprenante, les rayures étaient très marquées pour un individu de cette taille. Peut-être n’avait-il pas terminé sa croissance ? Evidemment, la surprise me fit rater la prise. Normal. C’est tout mon problème. Je ne filme que pour graver à titre personnel. Après s’être présenté de profil, le tigre s’en alla nonchalamment, tandis que je zoomais et dézoomais comme un abruti. Au montage, je réalisai qu’ un marteau se promenait derrière.

 

C’est peut-être lui, d’ailleurs, qui nous rendit visite juste après. Lui ou son congénère, puisqu’ils furent deux marteaux hallicornes à venir nous dire bonjour alors que nous continuions à dériver. Alors qu’il s’éclipsaient momentanément, un Blacktip vint à notre rencontre dans le plus pur style Blacktip : contre-courant, je fais le tour, je reviens voir d’un peu plus près en passant par derrière un peu nerveux et je me casse. Pas de sardine, pas d’intérêt.

 

Alors que j’avais été masqué par mes camarades de palanquée lors des premiers passages de marteaux, l’un des deux, sans doute, revint directement de mon côté. Mon côté un peu plus profond, un peu plus seul, un peu plus planqué, un peu plus tranquille. Il s’approcha d’une nage rapide et saccadée, puis s’en alla plus brusquement à 20-25, fit soudainement demi tour et revint directement sur moi, s’arrêtant à deux mètres, légèrement au dessus. On aurait pu croire qu’il venait poser, mais il s’agissait plus certainement d’un jeune en pleine chasse attiré par mon objectif grand angle qui produisait un beau reflet argenté. Il s’éloigna presque aussi vite qu’il était venu, un peu déçu. Nous nous laissâmes dériver quelques instants de plus au passé simple en croisant un dernier petit bouledogue qui ne retint que vaguement notre attention. Le meilleur était passé, le reste était imparfait.

 

4 espèces en une seule plongée. C’est simple, c’est là, ce n’est pas si loin. Pinnacles. Ponta Do Ouro.

06/05/2009

Tous les requins Tigres ne se valent pas

 

La première fois que j’eus la chance de voir un requin tigre, c’était un jeune de 2m, à peine  Il me rendit visite au palier, remontant la colonne d’eau attisé par la curiosité qui est le propre de cet âge. Je le pris tout d’abord pour un requin du zambèze, puis apercevant les rayures marquées qui caractérisent les jeunes spécimens (contrairement aux rides, les rayures du tigre s’estompent avec l’âge), je ne pus m’empêcher de nager dans sa direction, ce qui eut pour effet immédiat de le faire fuir à tire de nageoire. Un petit requin tigre, mais un requin tigre quand même. Et un tigre en Afrique, ça reste étonnant.

 

 

Plus tard, j’eus l’occasion de voir d’un coup bien d’autres requins tigres, beaucoup plus gros et de beaucoup plus près (n’y voyez pas de relation de cause à effet), mais ce ne fut pas pareil.  Ils étaient appâtés, accessibles au premier ukrainien venu, qui les prenaient à s’y méprendre pour des tchétchénes soumis. On n’aurait plus l’idée (même si on l’a eu au début du siècle) d’attirer des lions dans une réserve en leur offrant de la viande, alors pourquoi la même idée ne nous dérange t-elle pas en immersion?

 

Ce shark feeding était très bien préparé, sous la superivsion des équipes de Mark Addison. Il vaut mieux avec un tigre. Ce n’est pas toujours le cas. Un accident mortel est survenu aux Bahamas cette année et un autre est en préparation, puisqu’un abruti nommé Eli Martinez s’amuse à nourrir ces requins à la main. Nul doute que leur mauvaise réputation en sortira tôt ou tard renforcée pour de très mauvaises raisons.

 

C’est pourquoi je pense qu’il faut s’abstenir de participer à ce genre d’opération, d’autant plus que voir un requin tigre dans ces conditions revêt un petit côté zoo assez déplaisant.

 

A l’inverse, rien ne remplace le plaisir que procure l’arrivée surprise et naturelle d’un spécimen de quatre mètres, comme j’ai eu l’occasion d’en voir un récemment sur Pinnacles à Ponta d’Ouro au Mozambique.

 

En plongée, c’est l’attente qui est magnifique. Et quand celle-ci se dissipe dans la lassitude ou la torpeur, une bonne surprise rayée vient parfois la couronner.

 

 

 

12/05/2007

Requin taureau sur Protea Banks

Le requin taureau a une tête à s'être fait péter la gueule. C'est d'ailleurs ce qu'il lui est arrivé. On ne devrait jamais avoir l'air caricaturalement salaud.


07/05/2007

Des requins renard à Small Brother

Plongée N°6 : Octobre 2006, Small Brother (Egypte)



A la plongée précédente déjà, un renard nous avait surpris au palier, fait rarissime. Le renard ne s'approche d'ordinaire pas de la surface sans raison. Il reste généralement assez profond dans la colonne d'eau.

A la plongée suivante, alors que nous commencions notre ascension en dérive sur le flanc Est, avant de rejoindre le platier, alors que nous nous trouvions à 20 m, nous aperçûmes un requin renard qui traînait au dessus du récif à 30m. Il semblait être en train de se faire nettoyer par ses habitants. Il passa devant nous, fit plusieurs aller et retour et resta en tout et pour tout près de 7mn en notre compagnie. D'ordinaire timide et furtif, le renard nous gratifia ce jour-là d'un vrai défilé de mode. Ma femme en fut quitte pour 12 mn de palier.

12/04/2006

Une question de chance



Le requin marteau halicorne au moment où il passe devant ma femme, juste avant d'atteindre le récif.


N°5 : Abu Kafan, au large de Safaga (Egypte), le 9 Octobre 2003

Nous avons quitté notre mouillage des Brothers le soir précédent, à contre-cœur, suite à un vote démocratique organisé par notre guide qui a passé la semaine à m’expliquer qu’en dessous de 30m, il n’y a rien à voir. Ca dépend de ce qu’on cherche. Beaucoup de requins pensent l’inverse.

Comme le soulignait Tocqueville, la démocratie, c’est le gouvernement de la moyenne. La chose s’est vérifiée une fois de plus. Il a été décidé de laisser tomber une dernière plongée sur le fantastique site de Big Brother pour se rapprocher de Safaga, notre port d’attache, et plonger sur Abu Kafan, pourtant accessible de la côte par les bateaux journaliers. Notre guide a bien vendu sa soupe aux plongeurs crédules qui nous accompagnent et la semaine sur les Brothers s’est en fait transformée en un court séjour de trois jours.

Abu Kafan, le profond, est connu pour ses tombants vertigineux qui descendent à pic à plus de 200 m de fond. Le récif est souvent balayé par un fort courant, ce qui est bon signe : « Big current, big fish ! » comme disent les sud africains.

Deux plongeurs lyonnais (habitants de Lyon), persuadés que nous sommes chanceux, décident de se joindre à notre palanquée habituelle, composée de trois suisses, de ma femme et de moi. Il faut dire qu’au cours des jours précédents ils n’ont pas vu grand chose, pendant que dans le même temps nous croisions un requin renard, plusieurs requins marteaux halicornes et une pelletée de requins gris. Il faut dire que pendant qu’ils longeaient le récif le nez collé aux coraux sans doute à guetter les nudibranches (je n’ai rien contre les nudibranches, mais il faut savoir ce qu’on cherche), nous errions dans le bleu 25 m plus loin. Le courant était, je l’avoue, fort clément pour les Brothers.

Lors du brief d’avant plongée, on nous a informés que nous serions largués par le zodiac sur la pointe nord du récif . S’il y a des requins, c’est là qu’ils seront. Nous devons ensuite nous laisser dériver en longeant le versant Ouest jusqu’à plus d’air. Le jour commence à se lever, il faut se dépêcher.

C’est parti. Pas de check en surface, ni à 5m, nous descendons directement sur le récif pour ne pas dériver avec le courant. Malheureusement, le largage a été raté. Nous sommes trop au sud et la pointe est devant nous, à contre-courant. Nous obliquons vers le versant Ouest et tant pis, nous décidons d’affronter le courant. Nous progressons difficilement rocher par rocher, en nous accrochant. Alors que je me retourne pour voir si les autres suivent, je m’aperçois que les lyonnais ont laissé tomber. Au bord de l’essoufflement, nous nous arrêtons et fixons le bleu, solidement arrimés au récif, tout en prenant garde de ne pas poser la main sur un poisson pierre ou scorpion.

Vue la profondeur qui doit être de 35 m environ, nos réserves d’air diminuent rapidement. Je m’en inquiète quand tout à coup un requin gris, fuselé comme une torpille, fait son apparition. Il décrit quelques cercles à une quinzaine de mètres s’approche puis repart dans le bleu.

Quelques secondes après qu’il ait disparu, un second requin fait son apparition. Bien qu’il soit de profil, je reconnais à son aileron dorsal qu’il s’agit d’un requin marteau hallicorne. Les rayons de soleil du matin donnent à son corps une apparence métallique. Il s’approche doucement le long du récif et commence à le survoler ou plutôt à le surnager. Afin de poursuivre ma prise, je le suis malgré le courant (je sais, il ne faut jamais suivre un requin, mais bon il s’agit d’un requin marteau hallicorne, d’ordinaire plutôt timide et inoffensif). C’est dans ces moments là et seulement dans ces moments là que les séances de musculation accomplie au cours de l’année prennent leur sens. Sa tête en marteau oscille d’un côté à l’autre. Sans doute est-il encore en train de chasser, façon détecteur de mines. Il finit par s’immobiliser face au courant et je fais de même. Il repart et n’en pouvant plus j’abandonne.

Je rejoins les autres un peu plus loin au dessus du récif. Nous nous laissons dériver quelques minutes quand tout à coup nous apercevons la silhouette caractéristique d’un requin corail, aussi connu sous le nom de requin de récif à pointes blanches. Il s’agit d’un adulte d’environ 1m50 (le requin corail ne dépasse que rarement 1m80) qui accomplit sa ronde au dessus du récif. Je le suis (décidément) et le regarde s’éloigner quand, sous un large acropore, j’aperçois un second requin corail qui tourne nerveusement. Je m’approche, il se tâpit au fond coincé par un autre bloc de corail. C’est un petit requin qui fait environ 70-80 cm, il semble nerveux. Je l’éclaire avec mes projecteur pour obtenir une meilleure prise quand j’entends ma femme qui crie dans son embout, une de ses spécialités.

Je me retourne, elle me fait signe de regarder vers le haut. C’est alors que j’aperçois d’abord trois raies mantas puis, quelques secondes plus tard, trois autres. Les six raies tournent comme un carrousel autour d’un axe constitué par les rayons diffractés du soleil. La lumière a dû attirer le plancton dont elles se nourrissent. Elles restent à tourner quelques instants, suffisamment pour que j’ai bien le temps de les filmer puis s’en vont en formation, tout en déployant leur ailes majestueuses.

Au gré de nos diverses rencontres la planquée a volé en éclat et je me retrouve à faire le palier avec ma femme et un suisse qui a perdu ses amis. Nous les retrouvons ensuite sur le zodiac qui vient nous chercher. Alors que nous rentrons, j’aperçois les premiers bateaux journaliers qui arrivent de Safaga pour passer la journée sur le récif. A leur bord, il y a sûrement des gens qui repartiront le soir en disant qu’il n’y a pas de gros sur Abu Kafan. La nature appartient à ceux qui lèvent tôt et Abu Kafan à ceux qui dorment sur place.

De retour sur le bateau, l’un des deux lyonnais que nous avions perdus en début de plongée m’explique qu’il s’est séparé de nous parce qu’il a respecté le brief (il peut donc être fier de lui) et qu’il a vu un requin corail. Je lui fait à mon tour la liste de nos rencontres qu’il écoute en fronçant les sourcils d’un air concentré. Il conclut par un magistral « En fait, c’est une question de chance ! ».

04/03/2006

Le sens dans lequel tournent les sardines



Requins sombres et dauphins communs limant la boule de sardines



N°1 : Southport, Kwazulu Natal (Afrique du Sud), le 29 Juin 2005)


Le mois de Juin, sur la côte du Kwazulu Natal, c’est le temps de la migration des sardines… quand elles viennent. En effet, il n’y a pas eu de migration en 2003 et seulement quelques poches ont été aperçues en 2004, mais une seule poche peut suffire à faire l’expérience d’une vie.
D’après Trevor Krull et Grant Smith, que nous accompagnons depuis 10 jours à raison de sept heures de Zodiac chaque jour, il s’agirait d’un cycle coïncidant avec El Nino. Tous les 5 ou 6 ans, il n’y a pas de migration et l’année qui suit est généralement une petite année. C’est le fruit de ses observations et non de la théorie. La migration devrait donc reprendre en 2005. Doucement.

Pas si sûr, car des oiseaux de mauvaises augures pensent que le réchauffement climatique et la surpêche ont peut être mis un terme au phénomène ou l’on peut être déréglé. J’en doute car le trou dans la couche d’ozone qui génère le réchauffement est au nord et nous sommes au sud, là où toutes les choses tournent dans l’autre sens, comme Coriolis l’a révélé.

Rien ne s’est vraiment passé les sept premiers jours, mais les fous montés du Cap étaient là. Ils n’étaient pas là en 2003. Je le sais, on me l’a dit.
En trois jours, les choses ont bien changé. L'eau est à 19°, alors qu'elle était à 22° les jours précédents. Une température de sardine (comme quoi ce n'est pas une question de contre-courant, que personne n'a d'ailleurs jamais observé). Elles sont maintenant partout. Avant hier, nous avons vu des requins cuivres sauter en dehors de l’eau, sans que nous arrivions vraiment à distinguer où se trouvait la poche qu’ils attaquaient et qui se déplaçait vers le Nord en ordre un peu dispersé. Nous n’avons pu vérifier de visu car l’eau était bien trop trouble, donc bien trop dangereuse pour plonger. Un jeune anglais qui nous accompagne et qui en doutait en a fait la constatation à peu de frais. Alors qu’il venait de se mettre à l’eau pour tenter de s’approcher de deux dauphins communs, ce qui était probablement un requin cuivre l’a bousculé et en quelque sorte goûté avec sa peau.

Hier, nous avons enfin trouvé la boule d’appât pour laquelle nous sommes venus, mais nous n’avons pas pu entrer dans l’eau. La visibilité était de 2m et, du coup, les requins mangeaient dans le noir.
Une boule d’appât est une poche de sardines que les dauphins isolent du banc principal et font remonter à la surface en l’effrayant par des rideaux de bulles. Afin de se protéger, chaque sardine se met à tourner en rond et l’ensemble forme une espèce de toupie géante.
Une boule d’appât, c’est un modèle d’individualisme, aussi lâche qu’une société qui part en couille et qui va le payer jusqu’à son dernier membre. Chaque sardine se protège par l’autre, croient-elles, alors qu’elles ne pensent qu’à elles-mêmes. C’est l’effet meute. Sauf qu’une meute de gazelles est plus intelligente. Au moment de l’attaque d’un prédateur, chacune part dans une direction différente : l’intérêt de chacun sert celui de tous. Parfois, souvent d’ailleurs, tout le monde s’en sort. Les sardines, elles, ces connes, préfèrent tourner en rond plutôt que de partir chacune dans une direction. L’intérêt de chacune dessert celui de toutes. Une à une, elles se feront avaler et la toupie géante disparaîtra, comme un évier qui se vide, dans le sens de rotation que Coriolis a révélé.

Ce matin, comme chaque matin, nous avons quitté la base à 7h. Très vite, un message radio nous a indiqué qu’une boule d’appât était en train d’être attaquée par des requins renard. Personne n’a jamais photographié ou filmé un requin renard en train de se rassasier. Chasse t-il vraiment avec sa longue queue ? Cherche t-il à tuer de la sorte ou juste à donner des claques aux poissons? Quand nous arrivons, non seulement la bataille est finie, mais en plus la cavalerie est partie. La vérité, nous ne la connaîtrons peut-être jamais.

Heureusement, la radio nous signale une autre poche d’activité, non loin de là, à deux kms plus loin. Sauf qu’à l’oeil nu, à juste 600 m, des oiseaux, de bonne augure cette fois, dénoncent par leur carrousel aérien un centre d’activité que personne n’avait encore remarqué. Ils plongent les ailes fermées de 15 m de haut, comme les fous qu’ils sont. C’est Pearl harbor dans l’océan indien. En fait non, car ces Kamikazes ressortent de l’eau. Nous nous approchons. Les dauphins communs patrouillent la zone. Cette fois il y a au moins 7m de visibilité. Nous allons enfin pouvoir nous mettre à l’eau.

De la surface il semblerait qu’il s’agisse d’une petite poche. Le zodiac nous dépose à une quinzaine de mètres de l’emplacement que les plongeons des oiseaux, ainsi qu’un léger bouillonnement sporadique en surface, nous désigne. Quelques ailerons de requins, dorsaux et caudaux déchirent de temps à autre la surface. Il s’agit de requins sombres que les anglo-saxons appellent Duskies (Carcharhinus obscurus). Nous sommes huit plongeurs. Mes compagnons s’équipent de bâtons pour repousser les éventuels curieux qui se feraient trop pressants. Vu la taille des requins, qui atteint trois mètres pour les plus gros, ces bâtons sont plus là pour rassurer qu’autre chose. Mais bon, Cousteau ne prétendait-il pas que le « débordoir », sorte de bâton à bout clouté, était la seule protection vraiment utile face à un requin. Quoiqu’il en soit, je ne me pose même pas la question, puisque mes deux mains sont occupées à tenir mon caisson vidéo.

Afin de rester mobile et de pouvoir remonter à tout moment, nous avons laissé les bouteilles sur le zodiac et nous sommes munis d’un simple tuba. Nous nageons en groupe vers la boule d’appât. Peu à peu des silhouettes apparaissent derrière un rideau de bulles et de particules en suspension. D’abord des dauphins communs, généralement par petites escadres de trois, puis des requins qui passent en dessous de nous et disparaissent en descendant vers le fond. Enfin nous apercevons la masse de sardines. Les dauphins travaillent à maintenir la boule compacte. Ils la frôlent pour l’obliger à se resserrer. Les requins, eux, semblent attendre leur tour en dessous tout en bloquant toute sortie vers le bas.

Il convient de ne pas trop s’approcher de la boule car celle-ci est extrêmement mobile, comme un punching ball, et l’on aurait vite fait de se retrouver au beau milieu. Trevor semble extrêmement nerveux, un peu agacé par l’inconscience d’un plongeur qui s’approche beaucoup trop près. Il faut dire qu’il y a trois ans, c’est à dire lors de la dernière apparition des sardines, un photographe pris au milieu de la boule s’est fait mordre par erreur par un requin cuivre. Cette fois, même si quelques requins cuivres sont présents, il s’agit surtout de requins sombres, bien plus gros, dont la morsure pourrait être beaucoup plus sérieuse.

Je me sens dopé par l’excitation. Je n’avais jamais vu autant de requins d’un coup, y compris lors d’un shark feeding au Bahamas. Ils sont partout, entourés d’oiseaux qui se servent de leurs ailes comme de nageoires et poursuivent les sardines jusqu’à trois ou quatre mètres. Par curiosité, je décide de faire une petite apnée. Je descends vers les sept/huit mètres, c’est encore pire. C’est la place de l’étoile à six heures du soir, sauf que toutes les voitures ont des ailerons. Je n’ose descendre plus bas. Le courage et l’air me manquent. Il faut dire que le plongeur auquel j’avais fait signe avant de faire mon canard ne m’a pas suivi. Je me sens un peu seul.

A la surface, c’est un peu l’anarchie parmi les plongeurs. Trevor est de plus en plus nerveux. Il nous demande de faire nage arrière. Il repousse quelques requins un peu trop curieux qui dès qu’ils sont piqués s’éloignent nerveusement d’un coup de queue. Une exception cependant. Un requin sombre, beaucoup plus long et gros que les autres, reste sans réaction après avoir été piqué. Il se contente de regarder mon compagnon avec ce qu’on pourrait prendre soit pour de l’incompréhension, soit pour du mépris. Il semble se dire « Qu’est-ce que cette chose me veut? ». Un des rares requin cuivre présent disperse sur son passage quelques fous du cap qui s’éloignent à tire d’aile, comme des pigeons s’envoleraient devant un piéton.


La boule d’appât revient vers moi. Très près. Trop près. Je m’éloigne et m’apprête à tenter une nouvelle apnée quand je m’aperçois que ma caméra ne réagit plus aux commandes. De l’eau vient d’entrer dans mon caisson. Je décide de le maintenir en dehors de l’eau tout en retournant vers le zodiac. Ca tombe bien, les requins sont de plus en plus inquisiteurs. De toute façon, je ne veux pas être dans l’eau quand ils en auront fini avec les sardines qui sont de moins en moins nombreuses.

Je retourne au zodiac rejoindre Grant qui est resté de garde. Génial lui dis-je en lui passant mon caisson inondé. A bord, j’assiste à la fin du repas en filmant avec ma seconde caméra. Elles y passeront toutes, gobées, comme des cacahuètes, jusqu’à la dernière.
Après coup, deux questions demeurent : Pourquoi suis-je aussi heureux alors que j’ai ruiné une bonne partie de mon matériel ? Est-ce que les sardines de l’hémisphère nord tournent dans l’autre sens, comme Coriolis l'a révélé ?