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07/08/2012

Prélévements de requins à la Réunion : l'hypocrisie des pouvoirs publics

Suite à l'attaque de la semaine dernière à St Leu à la Réunion et après une valse-hésitation, les pouvoirs publics ont finalement autorisé le prélévement de 10 requins bouledogues et 10 requins tigres, tenez-vous bien "pour étudier une bactérie, la ciguatera, dont ils seraient porteurs"  et qui les rendant impropre à la consommation en limiterait la pêche (???).

Quel raisonnement tordu !

Si l'on suit ce raisonnement qui ne vise qu'à autoriser hypocritement une battue à l'ancienne de pêcheurs locaux qui ce faisant ne vont encore qu'attirer plus de requins, il s'agirait de lutter contre ce qui fait proliférer le requin bouledogue, alors même que cette prolifération n'est pas du tout établie scientifiquement.  L'hypothèse selon laquelle l'augmentation du nombre d'attaque ne pourrait résulter que d'une augmentation de la population de requin n'a rien d'évidente. Il n'y a pas prolifération de requin mais augmentation du nombre d'attaque. Cette augmentation pourrait très bien ne résulter que d'un changement de nos comportements et d'un changement des leurs, l'un ayant peut être occasionné l'autre. Nous sommes plus nombreux dans l'eau, de plus en plus loin du bord. Ils se rapprochent plus souvent des côtes (rejets). Par exemple.

Pas question d'avouer qu'il s'agit d'éliminer quelques spécimens pour contenter l'électorat. Non. Tout ceci n'a de fin que scientifique. 

Dans le même temps les pouvoirs publics ont investi dans un programme de marquage des requins bouledogues de la Réunion. Il serait amusant que leurs études sur les bactéries les amènent à éliminer des individus marqués dans le cadre de leur programme d'observation des comportements.

De la même façon, les pouvoirs publics ont créé une réserve naturelle, près de Saint Leu. Ils souligent néanmoins, par la voie d'un certain M.Brunetière, que la pêche au requin bouledogue, qui n'est pas une espèce protégée "y est autorisée". On hallucine. 

Il serait temps d'arrêter de réagir face à chaque attaque de façon soit hypocrite, soit épidermique pour regarder les choses de façon pragmatique et distanciée,

Tout d'abord, les mesures mises en place, du type vigie-requin, dont les surfeurs demandent le renforcement, sont-elles véritablement appropriées ?

Les vigies-requins s'inspirent d'une initiative mise en place sur certaines plages du Cap en Afrique du Sud : les Shark Spotters.

Il s'agit en effet d'une remarquable initiative parfaitement adaptée à la région du Cap et aux attaques de requins spécifiques qu'elle connaît. Mais pas à la Réunion!

Les Shark Spotters au Cap jouissent de deux avantages : ils interviennent sur un terrain accidenté et sont positionnés en hauteur, en surplomb des plages, parfois à plusieurs dizaines de mètres.  Je ne sais pas si c'est le cas à la Réunion. Qui plus est, les requins qu'ils guettent sont des grands requins blancs, bien plus imposants que le bouledogue et surtout nageant fréquemment sous la surface, donc bien plus faciles à repérer. Le bouledogue lui, partout où je l'ai rencontré, que ce soit au Mozambique, en Afrique du Sud ou au Bahamas, nage en rasant le fond.

D'après ce que j'ai pu voir sur Youtube, les vigies-requins de la Réunion encadrent notamment les cours en stand up paddle. Une telle technique, aussi reconfortante qu'elle soit pour les participants puisque la vigie est parmi eux, ne peut en aucun cas avoir une véritable efficacité. Seul un pêcheur aguerri parviendrait à percer à travers la surface à une distance de plus de 4m avec un tel angle et les reflets sur la surface (par temps calme). Il faudrait vraiment que le requin passe sous la planche pour qu'il soit aperçu. Rappelez-vous un post précédent :  lors d'Australia day, six bouledogues marqués se sont promenés au milieu des baigneurs sur les plages de Sydney sans qu'un seul ne soit remarqué !

Du coup, la vigie-requin de la Réunion en arrive à avoir une fonction inverse des shark spotters du Cap. Alors que les shark spotters du Cap sécurisent véritablement la plage, notamment en informant sur la fiabilité de leur surveillance (en fonction de la visibilité) et en amenant les surfers à évaluer la dangerosité des conditions, les vigies-requin donnent un faux sentiment de sécurité. Un système de drapeau vert et rouge, indiquant le niveau du danger requin (eau trouble ou non, analyse de celle-ci si possible) serait préférable.

La seule mesure efficace (même si je pense que la vraie conduite à avoir serait que les surfeurs acceptent ce risque minime comme faisant parti de leur activité) ne peut être que l'installation de filets ou de drumlines sur quelques plages sélectionnées (le moins possible) et ce de façon provisoire en attendant les résultats de l'étude sur le comportement des bouledogues. Seule cette solution satisfera les surfers et les professionnels du tourisme. A défaut de pouvoir partager la même mer, chacun la sienne.

Ceci n'évitera pas à 100% le risque d'attaque, mais le réduira considérablement. Les attaques sur les plages protégées de la South Coast du Kwazulu-Natal en Afrique du Sud sont rarissimes depuis la pose de filets à la fin des années 50 et au cours des années 60/70.  

La filets fonctionnent comme des pièges. Ils n'empêchent pas les requins de passer, mais tendent à capturer les spécimens passant trop de temps près de la plage. A la vue et à l'odeur de leurs congénères morts, les requins désertent probablement la zone (Cousteau avait remarqué ce comportement en mer rouge). C'est la seule raison que je vois à leur efficacité, si ce n'est peut être également qu'ils contribuent à faire diminuer inexorablement le nombre de requins. Les plages concernées ne deviendront donc pas sûre du jour au lendemain après la pose des filets. Cette technique est efficace notamment sur les bouledogues, relativement sédentaires (territoire s'étendant sur une centaine de km) par rapport aux tigres et aux blancs. . 

Elle constitue sans doute un moindre mal, si elle permet d'éviter qu'on éradique une espèce entière, au seul motif de sécuriser la pratique d'un sport aquatique. Le requin bouledogue est un requin côtier. C'est comme ça. Depuis assez longtemps d'ailleurs. 

Le requin bouledogue est classé parmi les espèces vulnérables par la CITES. Il constitue la quatrième espèce dont les ailerons sont les plus communs sur le marché de Hong Kong (cf. Rapport CITES). Peut-être se rapproche t-il des côtes parce qu'il est trop pêché au large ?

04/07/2012

Quand les requins blancs se géolocalisent : le Shark Tracker

 

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Localisation d'Albert en face de Eersterivier, dans la province de l'Eastern Cape, à 300 m de l'endroit où je m'étais baigné 10 ans plus tôt, à 5h du soir, au mois de juin.



Depuis deux jours, le Shark Tracker est en ligne. Il s'agit d'un site qui permet de visualiser les déplacements de 32 requins blancs, marqués en 4 endroits de la province du Cap en Afrique du Sud en Avril et Mai dernier par les équipes d'Ocearch.

Chaque fois que l'émetteur sort de l'eau, donc que l'aileron du requin dépasse de la surface, et pour peu qu'un gentil satellite passe par là, à la verticale, quelques milliers de kilomètres plus hauts, eh bien toc, le requin est localisé.

On peut ensuite visusaliser grâce au tracker les déplacements de tous les requins, de chaque requin individuel et faire toutes les combinaisons possibles à des fins de comparaisons. Le tracker est un outil formidable pour les amateurs de requins comme moi. Aux scientifiques, il offrira sans aucun doute une matière inestimable.

Je reviendrai sur les premières observations que l'on peut faire à partir du tracker dans un prochain article. Ce qui me frappe pour le moment c'est la très grande diversité des itinéraires empruntés le long de la côte sud africaine. Quelques points de rendez vous, ça se confirme. Bien des chemins pour y parvenir.

Pour autant, est-il bon de laisser ainsi le shark tracker entre toutes les mains ? Des individus mal intentionnés (l'espèce est mondialement protégée) ne pourraient-ils se servir de ces données à des fins peu avouables et radicalement opposée aux intentions de ceux qui les fournissent ?

Une autre question me taraude. Est-il bon que le grand public, surtout sud africain, visualise ces déplacements ? Ne risque t-il pas de s'apercevoir que presque tous ses lieux de baignade favoris, entre le Cap et le Kwazulu-Natal, en passant par l'Eastern Cape sont fréquentés, fût ce occasionnellement, par ce squale tant redouté ? Le tracker ne risque t-il pas de devenir une source d'angoisse plus qu'un outil pédagogique. La même remarque m'était venu à la suite de la publication des déplacements de requins bouledogues dans la baie de Sydney lors d'Australia Day. A ceci près que la publication avait été faite postérireurement et était ponctuelle.

J'imagine déjà les gens se rendant demain à la plage tout en consultant l'appli shark tracker sur leur smart phone. Ou bien un shark tracker à l'entrée de chaque plage, comme ces panneaux indiquant les pistes ouvertes ou non, dans les stations de ski ? Gageons que l'apaisement que sont censées procurer les vacances en prendrait un sacré coup. Qu'importe me direz-vous, les blackberries l'ont déjà sérieusement entamée. Plus sérieusement, j'imagine surtout des vacanciers réclamant du coup toujours plus de protections, toujours plus filets. J'espère me tromper.

Une dernière remarque : à ce jour, les requins n'écrivent pas de status quand ils se localisent.

Le shark tracker : http://sharks-ocearch.verite.com/

 

01/01/2012

Y a t-il un courant froid qui rend possible le Sardine run?

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"En évitant un prédateur, les sardines se mettent à portée d’un autre : l’homme."

 



En ce début d’année, que je ne vous souhaite pas trop degradée, j’ai décidé de faire un petit article un peu moins requinesque sur le courant froid qui remonterait en Afrique du Sud de la côte Est de la province du Cap jusqu’au Kwazulu Natal et provoquerait la migration annuelle des sardines, appelée Sardine Run. Migration dont bénéficieront notamment les requins taureaux, les requins sombres et les requins cuivres. Les requins ne sont donc pas totalement absents de ce post.

Je regardais hier un épisode de la série de documentaires de la BBC “Great events” consacré au Sardine Run et je constatais qu’on n’avait guère évolué depuis 2009 sur l’explication de ce phénomène. Les mêmes erreurs perdurent.

L’explication que donne la BBC, emboîtant le pas de certains "scientifiques", serait qu’un courant froid venu du Cap remonterait le long de la côte, comme une langue de froid, dans le sens inverse du courant .

J’aimerais faire à ce sujet une ou deux observations factuelles. J’ai assisté au Sardine Run en 2005 , j’ai plongé de nombreuses fois avec les spécialistes locaux du Run qu’il s’agisse d’opérateurs de plongée, de photographes de passionnés ou même de scientifiques.

Un premier fait m’interpelle : un opérateur de plongée local, ancien du sharks board, m’a dit qu’il n’avait jamais observé, en tout cas de la South Coast du Natal jusqu’au Nord du Transkei, un courant remontant vers le nord. Le courant va toujours invariablement dans le meme sens en direction du sud ouest. C’est le courant qu’on appelle le courant des Aiguilles (Agulhas current), du nom de Cape Agulhas, le point le plus au sud du continent africain.

Certains se demanderont alors comment font les sardines pour remonter à contre-courant. La réponse à mon avis est qu’elle n’avancent que les jours où le courant est le moins fort.  En effet, les jours où j’ai pu observer des baitballs en mer, ou meme des poches des sardines depuis la plage, le courant était relativement clément.

Une chose est vraie néanmoins : il faut que la temperature de l’eau descende en dessous de 20°c, 19°c très exactement pour que les sardines apparaissent.

Je suis  sorti en mer tous les matins de 7 heures à 2 heures de l’après midi pendant deux semaines. La première semaine, la temperature de l’eau oscillait entre 22 et 23°c. Pas une sardine. C’est seulement quand la temperature est tombée à 19°c que les poches sont apparues. D’après les spécialistes locaux, elles resteraient au large, en profondeur quand la temperature du bord est trop chaude. Quoiqu’il en soit, quand la temperature a atteint les 19°c et que les baiballs ont commence à fleurir (3 en 2 jours), pas de trace d’un courant remontant le long de la côte.

Si les sardines s’approchent de la côte, c’est donc peut être pour une autre raison. Je ne sais laquelle. Est-ce par ce que la côte leur semble un meilleur endroit pour se protéger de certains prédateurs, les requins et les dauphins notamment qui en s’approchant du bord courent le risque de s’échouer (risque que certains prennent, parfois à leurs propres depens cf. http://www.youtube.com/watch?v=2BX-F5iVdk8)? Si c’est le cas les sardines ne sont pas bien inspirées. En évitant un prédateur, elles se mettent à portée d’un autre : l’homme.

Du coup, l’explication la plus plausible me paraît là encore être le courant des aiguilles, venant en sens inverse de leur progression. Peut être est-ce en longeant la côte qu’elles s’en protègent le mieux, comme le font des plongeurs qui se collent à un récif pour se protéger?

Ainsi, lors du Sardine Run, ll n'y aurait donc pas de courant qui remonterait vers le Nord, juste des sardines qui remonteraient à contre-courant en rasant les murs.

 

 

 

 

 

28/10/2011

Meilleures plongées avec des requins : N°7, Raggie Cave, Aliwal Shoal, South Africa

Raggie Cave à Aliwal Shoal est sans doute l’endroit du monde (avec le site homonyme de Protea Banks, 70 kms plus au sud, au large de Margate et Shelly Beach) où l’on peut voir le plus de requins taureaux en une seule plongée.

On peut également observer des variantes de cette espèce en Caroline du Nord, en Australie et même au Liban, ai-je entendu dire, mais dans des quantités bien moindre. Le surnom de Raggie vient de Ragged Toothed Shark qui est le nom que les sud africains donnent au requin taureau. En Australie, on l’appelle Grey Nurse Shark et aux Etats Unis Sandtiger shark, mais il s’agit, à chaque fois, à peu près du même requin à la très sale gueule de voyou des mers. Il ne faut jamais se fier à la tête des requins.

Du fait de son faciès peu engageant, ce requin a particulièrement été massacré durant les années 60-70, en Australie notamment, où l’importante population locale fut en partie décimée par les plongeurs amateurs qui découvraient les têtes de harpon explosives.  Il s’agissait pour eux d’un trophée facile qui devait permettre d’en accrocher d’autres (plus féminins), une fois à terre. Les dragueurs à la noix surfent toujours sur des malentendus. Ce requin, dont l’apparence peu engageante ne fait que cacher un caractère assez pacifique, constituait une proie de choix pour ces pêcheurs sous marin voulant faire sensation à leur retour au rivage.

Le résultat est qu’aujourd’hui la population australienne est décimée et peine à récupérer.

On trouve deux principaux endroits de congrégation des requins taureaux à Aliwal Shoal : Raggie Cave et Cathedral. Cathedral est, comme son nom l’indique un peu, une cave qui semble posséder une voûte mais qui possède vraiment une entrée. Raggie cave n’est pas vraiment une cave, juste une succession de perforations larges dans le récif. Un couloir.

Quand nous montâmes dans le zodiac par ce joli matin de Novembre 2001 sud-africain, tout craignait du point de vue du sens commun, la pluie et les vagues, notamment. La compagnie n’était pas terrible, non plus (4 amerloques dogmatiquement obsédés de sécurité et ouverts comme des huîtres).

Après avoir poussé le volumineux zodiac à l’eau, après que, ne voulant pas démarrer, il nous ait bien imprégnés de vapeurs de kérosène matinales, les américains  vomirent à peu près tous pendant les 5 kms qui devaient nous conduire au site de plongée. Les poissons volants que nous croisâmes et qui, comme le souligne Audiard, ne constituent pas la majeure partie de l’espèce, n’en revenaient pas.

Nous aperçûmes également deux ou trois dauphins sur le chemin et, à une centaine de mètres, une baleine à bosse. En Novembre, les baleines redescendent du Nord. Peu importe.

Un rayon de soleil se pointa et nous stopâmes. Quelques secondes de calme sur l’océan indien que n’interrompit qu’une forme noire, ondulée comme une nappe, sautant hors de l’eau. Il s’agissait en fait d’une raie aigle.

L’américaine demanda au skipper « C’était quoi ? Un morceau de plastique ? »

Le skipper sud africain lui répondit que bien sûr, il y a avait des gros morceaux de plastique qui flottaient au dessus de l’eau partout en Afrique. Tout doux.

Nous n’êumes pas le temps de creuser le sujet car un espadon bondit hors de l’eau, la queue en godille sur 1m ou 2 avant de replonger. Il était petit. Pas plus d’1m50, plutôt moins. L’américaine ne le confondit pas avec marteau-piqueur.

La seconde après, de l’autre côté du zodiac un plongeur pointa à son doigt vers la surface. « Là, un requin ! » Je mis quelques secondes à localiser le sujet de cette agitation. A une vingtaine de mètre, un aileron dépassait de la surface dans le plus pur style hollywoodien. Il s’agissait d’un aileron de requin marteau hallicorne qui s’approcha de nous avant de repartir sous l’eau.

Il était grand temps de plonger à notre tour. Après toutes ces distractions, le zodiac redémarra pour se positionner à la verticale du point de plongée et nous plongeâmes en flottabilité négative. Regroupement à 3m et nous continuâmes jusqu’en bas, jusqu’à 18m.

L’eau était bleue verte, remplie de particules flottantes, mais finalement assez claire. Une houle décidait du rythme de nos mouvements. Très vite, une fois en bas, on réalisait vite qu’on était sur le chemin d’une requin taureau, venu de nulle part, et qu’il fallait laisser passer. Les requins semblaient se laisser promener par la houle et se contentaient d’un léger battement de queue au bon moment pour aller dans le sens qu’ils souhaitaient. Ils avaient l’air léthargiques. Il paraît que les requins taureaux récupèrent durant le jour des accouplements nocturne pendant cette période à Aliwal. Ils montent en hiver vers Sodwana, Cape Vidal et le Mozambique, pour redescendre vers le cap avec une escale à Aliwal au retour. On y voit fréquemment de grandes femelles (3 ou 4m pour les plus grandes) le derrière de la dorsale lacéré par l’accouplement.

Le couloir de Raggie Cave est fait de sable. Les requins taureaux aiment le survoler. C’est aussi là qu’on peut trouver les dents qu’ils perdent souvent lors de leurs accouplements. Le truc alors, c’était de laisser filer son air et de se poster à plat ventre en attendant qu’un raggie passe juste au dessus de vous. C’est ainsi qu’on obtient les meilleurs angles de caméra. Ce jour-là, j’en vis tourner autour de moi plus d’une quinzaine. L'un chassait l'autre, l'autre découvrait l'un. Ils se déplaçaient comme une farandole de fantômes hypnotisés. La bouche entrouverte en permanence, ils filtraient l'eau en l'absence de toute langue.

Je remontais au bout de quarante cinq minutes passées face à face avec ces requins aux dents qui leur sortent de la bouche. J'étais émerveillé. Pourtant cette congrégation n'avait rien d'exceptionnel. Il est arrivé qu'on voit une centaine de requins taureaux en une plongée à Aliwal.
Je les avais surpris durant leur sieste. J’avais remarqué cette particularité qu’ils ont de prendre l’air à la surface pour se donner une flottabilité neutre et errer somnolant au dessus du récif. J'étais content. Arrivé à la surface, des requins plein les yeux, je retrouvais la jeune américaine du début.

Nous nous hissâmes sur le zodiac, elle enleva son masque et me demanda immédiatement : « Did ya see that turdle ?? », mais je ne l'entendis pas.

15/12/2007

Trunko, le monstre de Margate

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Le premier aileron de requin qu'ait aperçu mon fils, par un après midi de Juin 2005, sur la plage de Margate. Là même où s'échoua Trunko.

Par un matin d’Octobre 1924, alors que Lénine venait de relâcher depuis 10 mois sa vigilance sur un monde qui s’éloignait inexorablement d’une certaine vision du communisme, un étrange animal fut aperçu au large de Margate, qui faisait alors partie de ce que les Anglais avaient nommé l’Union Sud Africaine.

Les témoins rapportent qu’un animal marin, pourvu d’une longue trompe et couvert d’une fourrure d’ours blanc, aurait été vu livrant un dernier combat contre plusieurs baleines qui l’attaquaient sans rémission. Le combat dura, semble t-il, plusieurs heures

Plus tard, la carcasse du Léviathan s’échoua sur la plage où elle demeura pendant plusieurs jours sans que personne ne la photographiât. L’animal atteignait une taille qui, d’après les marseillais présents sur place, dépassait les 40 pieds.

Quelques prélèvements, à ma connaissance furent opérés, puis ensuite égarés. Il s’agissait d’un temps où les monstres se faisaient remarquer sans se faire totalement respecter. Il semblait normal que la profondeur recèle d’idées originales.

Pourquoi devrais-je vous raconter cette histoire à la con ? A cela deux raisons. La plage de Margate et ce flou que nos cerveaux du 21ème siècle peuvent dissiper si facilement.

C’est sur la plage de Margate que mon fils par un jour de juin a vu son premier requin dans cinquante centimètres d’eau. Il s’agissait d’un grand requin sombre qui poursuivait une poche de sardines lors de la migration annuelle. C’est une attaque mortelle sur la même plage en 1957 qui déclencha la pose de filets sur toute la côte du Natal. Il s’agit d’une plage exceptionnelle, car elle fait face à un récif coralien à nul autre pareil. Il s’agit du seul récif à ma connaissance où le chaud et le froid se soient donnés rendez-vous. Quasiment toutes les espèces majeures de requins peuvent y être observées : requin blanc, requin tigre, requin bouledogue, requin mako, requin renard, requin taureau, requin sombre, requin cuivre, requin marteau halicorne etc. Comme par hasard, c’est à cet endroit-là que s’est manifesté Trunko. Il a choisi le dernier récif vers le sud. La dernière station essence.

Venons-en à la seconde raison. Que s’est-il vraiment passé ? Pour moi, cette histoire est beaucoup plus simple que ce que la collectivité solidaire des brêles indécises agrégées vous racontera sur Wikipedia. Il n’y a qu’une seule possibilité.

Il s’agissait tout simplement d’une bâston entre requins. Pas d’ours, pas de trompe, pas d’éléphant, pas de baleines. Juste des requins.

Curieusement, c’est l’identité du monstre qui est la plus facile à déterminer. Il s’agissait sans aucun doute possible d’un requin pèlerin en état de décomposition avancée. La mâchoire s’était détachée, faisant paraître son petit crâne comme le bout d’une trompe, et les tissus en décomposition prenaient l’apparence de poils, mais là ne comptez pas sur moi pour vous expliquer pourquoi.

On pourrait se demander s’il ne s’agissait pas plutôt d’un requin baleine, mais il me semble que c’est très improbable, même si l’espèce, comme le requin pèlerin, à déjà été aperçue sur Protea (et récemment sur Aliwal Shoal en 2006). D’autres récits, dont celui d’un spécimen pêché par un cargo japonais au large de la Nouvelle Zélande en 1977(dont on fit courir le bruit qu’il s’agissait peut être d’un spécimen de plésiosaure), prouvent que c’est le requin pèlerin qui se décompose de cette façon. La seule chose que je ne comprenne pas est la raison pour laquelle il flotte en surface. Peut-être aspire t-il de l’air pour maintenir une flottabilité neutre, comme le font le requins taureaux ?

Mais bon, vraiment, faites-moi confiance, la question intéressante est ailleurs. Quelles étaient ces baleines qui l’attaquaient ? D’après moi, il ne pouvait s’agir de baleine. Le terme de baleine employé par les témoins ayant assisté à la scène à distance ne peut être pris au mot. La notion de baleine désignait à cette époque une foultitude de choses pas très claires. Les baleines qui traînent à cette moment-là de l'année (et ce n’est pas l’heure de pointe) dans ces eaux, n’attaqueraient jamais une carcasse de requin mort.

Les seuls cétacés qui auraient pu à mon sens se livrer à de telles activités seraient des cétacés carnivores comme les orques. Je n’y crois pourtant pas. Les orques ne sont pas des charognards. Qui plus est, leur présence à cet endroit, à ce moment, serait tout à fait surprenante. Ils s’aventurent parfois aussi près des côtes en juin , pendant le Run, mais pas en octobre. S’il s’agissait d’orques d’ailleurs, une autre possibilité serait envisageable. Les faux orques. J’en aperçu un en 2005, j’ai sauté à l’eau, personne ne m’a suivi, et lui même ne m’a pas attendu. Ca tombait bien, je ne connaissais pas personnellement ces dauphins aux longues dens.

Alors de quoi pouvait-il bien s’agir. D’après moi de plusieurs requins blancs. Leurs charges verticales soulevèrent sans doute la carcasse au point de donner l’impression qu’elle était vivante. On savait s’amuser en 1924.

Il aurait pu s’agir aussi de requins tigres, mais c'est peu probable. Il s’agit certes d’un de leur terrain de chasse privilégié, mais ce n’est ni leur saison, ni leur mode d’opération.

Donc voilà la version officielle : un requin pèlerin mort s’est fait ce jour là dépouiller par plusieurs requins blancs. C’est tout.

Les monstres sont une ressource que nous avons épuisée. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais au cours de cette histoire, je viens d’en faire disparaître un.

04/09/2007

Making of d'une jolie photo de requin

Voici quelques précisions (suite à la photo mise en ligne récemment), sous forme de vidéo, sur la façon de s'y prendre pour faire une jolie photo de requin. Les ingrédients sont les suivants : une mer calme, une bonne visibilité, de longues palmes (éviter le jaune, je ne sais pas pourquoi, mais ils n'aiment pas)) et quelques sardines à placer entre l'appareil et le requin.

Ce jour là, le photographe (qui était très exigeant) ne fut pas satisfait du résultat.




Aliwal Shoal, Afrique du Sud, Juin 2007

13/04/2006

Et si Nicole était amoureuse ?



Dyer island, Cape province (Afrique du Sud), Juillet 2005,
Un grand requin blanc sud africain, probablement dédaigné par Nicole


Une femelle grand requin blanc, Nicole (ainsi nommée d’après l’actrice Nicole Kidman, grande amie des requins), marquée en Afrique du Sud dans la province du Cap, a été revue en Australie, pour ensuite réapparaître 99 jours plus tard en Afrique du Sud. Il s’agit de la plus longue migration jamais observée pour un requin (les précédentes à ma connaissance concernait des requins bleus marqués dans le New Jersey et vers Nantucket et retrouvés respectivement dans le Golf de Biscaye et sur la côte du Natal au Brésil). Nicole a parcouru 20 000 kms.

Nul ne sait exactement pourquoi elle a accompli une telle migration. Pour de la nourriture ? C’est peu probable car on trouve a peu près les mêmes sources de nourriture en Afrique du Sud qu’en Australie (grands bancs de poissons pélagiques, colonies de phoques) ? Pour la reproduction ? Peu probable également, les grands blancs mâles sud africains sont aussi canons que les australiens et il n'y a que l'embarras du choix. Et puis de toute façon, Nicole, vue sa taille de 3m80, n’avait pas encore atteint la maturité sexuelle, puisqu’on pense qu’une femelle grand requin blanc n’atteint cette maturité que vers 4,50m.

Mais peut être que les grands requins blancs n’attendent pas la maturité sexuelle pour éprouver leurs premiers sentiments amoureux. N’avons nous pas éprouvé nous mêmes de tels sentiments dès notre plus tendre enfance. Et s’il y a plein de mâles en Afrique du sud, peut-être n’ont ils pas le charme d’un certain requin australien qu’elle a peut être rencontré un jour sur les côtes sud africaines ? Le fait qu’il y ait plein de femmes autour de nous ne nous a jamais empêchés d’en aimer une et une seule habitant à l’autre bout du monde. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour Nicole ?