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04/07/2012

Quand les requins blancs se géolocalisent : le Shark Tracker

 

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Localisation d'Albert en face de Eersterivier, dans la province de l'Eastern Cape, à 300 m de l'endroit où je m'étais baigné 10 ans plus tôt, à 5h du soir, au mois de juin.



Depuis deux jours, le Shark Tracker est en ligne. Il s'agit d'un site qui permet de visualiser les déplacements de 32 requins blancs, marqués en 4 endroits de la province du Cap en Afrique du Sud en Avril et Mai dernier par les équipes d'Ocearch.

Chaque fois que l'émetteur sort de l'eau, donc que l'aileron du requin dépasse de la surface, et pour peu qu'un gentil satellite passe par là, à la verticale, quelques milliers de kilomètres plus hauts, eh bien toc, le requin est localisé.

On peut ensuite visusaliser grâce au tracker les déplacements de tous les requins, de chaque requin individuel et faire toutes les combinaisons possibles à des fins de comparaisons. Le tracker est un outil formidable pour les amateurs de requins comme moi. Aux scientifiques, il offrira sans aucun doute une matière inestimable.

Je reviendrai sur les premières observations que l'on peut faire à partir du tracker dans un prochain article. Ce qui me frappe pour le moment c'est la très grande diversité des itinéraires empruntés le long de la côte sud africaine. Quelques points de rendez vous, ça se confirme. Bien des chemins pour y parvenir.

Pour autant, est-il bon de laisser ainsi le shark tracker entre toutes les mains ? Des individus mal intentionnés (l'espèce est mondialement protégée) ne pourraient-ils se servir de ces données à des fins peu avouables et radicalement opposée aux intentions de ceux qui les fournissent ?

Une autre question me taraude. Est-il bon que le grand public, surtout sud africain, visualise ces déplacements ? Ne risque t-il pas de s'apercevoir que presque tous ses lieux de baignade favoris, entre le Cap et le Kwazulu-Natal, en passant par l'Eastern Cape sont fréquentés, fût ce occasionnellement, par ce squale tant redouté ? Le tracker ne risque t-il pas de devenir une source d'angoisse plus qu'un outil pédagogique. La même remarque m'était venu à la suite de la publication des déplacements de requins bouledogues dans la baie de Sydney lors d'Australia Day. A ceci près que la publication avait été faite postérireurement et était ponctuelle.

J'imagine déjà les gens se rendant demain à la plage tout en consultant l'appli shark tracker sur leur smart phone. Ou bien un shark tracker à l'entrée de chaque plage, comme ces panneaux indiquant les pistes ouvertes ou non, dans les stations de ski ? Gageons que l'apaisement que sont censées procurer les vacances en prendrait un sacré coup. Qu'importe me direz-vous, les blackberries l'ont déjà sérieusement entamée. Plus sérieusement, j'imagine surtout des vacanciers réclamant du coup toujours plus de protections, toujours plus filets. J'espère me tromper.

Une dernière remarque : à ce jour, les requins n'écrivent pas de status quand ils se localisent.

Le shark tracker : http://sharks-ocearch.verite.com/

 

01/11/2007

Les hauts et les bas du requin tigre

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Ma femme en compagnie d'un requin tigre. Aliwal Shoal, Juin 2007




Les dernières observations pratiquées sur le requin tigre, comme souvent, contredisent les précédentes. Il s’avère que le requin tigre est un requin qui a des sautes d’humeur dont on n’avait jamais vraiment perçu l’origine, évidemment lunatique, sans qu’elle ne soit tout à fait nocturne.

Que ce soit en matière de profondeur, de température, de nourriture ou de lieu de résidence, le requin tigre oscille. L’hésitation est érigée chez lui en mode de vie et varie avec l’âge. S’il vous attaque un jour, ce sera du bout des dents, pour mieux vous connaître. L’adolescence du requin tigre a plusieurs rangées.

La première de ses hésitations tient à son mode de déplacement. Les anglo-saxons appellent cela son « schéma de nage rebondissant ». Le requin tigre arpente la colonne d’eau de bas en haut. A cela une raison bien simple : comme le dirigeable recherche les courants porteurs, le tigre inspecte les strates odorantes en recherche de nourriture, car les courants portent conseil. Il passe rapidement de 6 à 70m. Le tigre passe sa journée dans l’ascenseur.

Car il en va autrement la nuit. Le requin tigre n’arrive pas à se décider. Ou bien il s’éloigne en mer, ou bien il se rapproche de la côte. Dans tous les cas, il est moins actif qu’on ne le pensait et reste même parfois longtemps en un même lieu, sans doute pensif. Ce demi somnanbulisme explique sans doute le pyjama rayé qu’il porte en permanence.

On disait jusqu’à récemment que le requin tigre ne vivait qu’en eau chaude et ne descendait jamais à plus de 350m de fond. Les dernières études, basée sur la télémétrie acoustique, ont déjà (en moins de deux ans) prouvé le contraire. Les quelques requins tigres marqués à Aliwal Shoal en Afrique du Sud avec des appareils enfin fiables ont montré qu’ils pouvaient descendre ponctuellement jusqu’à 875m dans une eau à 5°c.

Reste que le tigre préfère quand même l’eau chaude. C’est indéniable. Il quitte plus ou moins les eaux du Kwazulu Natal en Juin pour ne revenir qu’en Octobre. Quelques spécimens particulièrement bien adaptés restent néanmoins dans la région en permanence. On ne sait ce qui les différencie des autres, si ce n’est un vécu de requin tigre particulier.

Deux choses semblent provoquer les transhumances du requin tigre. La nourriture et la température de l’eau. Cette dernière semble cependant bien plus déterminante. Ainsi, on ne constate pas les mêmes transhumances chez les requins tigres hawaïens que chez les tigres sud-Africains, la température des eaux hawaïennes étant bien plus constante.

Parmi les autres aspects changeant de la personnalité du requin tigre, on peut également citer son régime. Contrairement à bien d’autres requins, le tigre possède un régime extrêmement varié de proies vivantes ou non. C’est ce qui lui valu sa réputation de poubelle des mers ,puisqu’on a souvent retrouvé des objets en métal ou en plastique dans son estomac. Ce caractère de charognard lui a certainement valu d’endosser certaines attaques qu’il n’avait peut-être pas commises. Ainsi, quand on a retrouvé, il y a deux ou trois ans le bras sectionné d’un pêcheur sous-marin disparu près de Sodwana en Afrique du Sud, on a tout de suite cru que le coupable était un gros requin tigre de plus de quatre mètres observé dans la zone de recherche le même jour. Il n’est pas dit cependant que le pêcheur sous-marin ne soit pas mort d’une syncope en remontant à la surface et que le requin tigre n’ait fait que se repaître du corps qui traînait au fond.

Le régime varié du tigre en Afrique du Sud se compose principalement d’élasmobranches que l’on retrouve dans 46,5% des estomacs de spécimens capturés, puis viennent les téléostes (37,3%), les mammifères marins (36,4%), les oiseaux (22,5%), les mollusques (16,3%), des objets divers et variés (13%), les crustacés (10,7%), les reptiles (6,6% : essentiellement des tortues). Ce menu peut varier énormément selon les points du globe. Chez les tigres de Shark Bay en Australie par exemple, on trouve une dominante de tortues et de mammifères marins. Ce régime évolue de surcroît avec l’âge. Ainsi ce n’est qu’à partir de 2m50 que la tortue fait son apparition au menu. Avant cela, les mâchoires du requin tigre ne sont pas encore assez puissantes pour transpercer l’épaisse carapace de ces reptiles. Cette extrême variété des proies du requin tigre nous a longtemps fait croire que nous pourrions éventuellement faire partie du menu. Ce n’est heureusement pas le cas.

La prédation des tortues nous livre quelques enseignements sur les habitudes de chasse des requins tigre. Ainsi, on s’est longtemps demandé pourquoi les tortues vertes étaient plus épargnées par les tigres que leurs cousines les caouannes. C’est le cas en Australie comme en Afrique du Sud. Après des études, on s’est aperçu que les tortues vertes passaient bien moins de temps en surface pour prendre leur respiration. Ainsi, elles s’exposaient moins.

Comme le blanc, le tigre est un requin qui chasse à l’affût. En partant du bas, contrairement au laveur de carreaux. Inversement, quand il monte, il ne peut s’empêcher de suivre ceux qui glissent vers le bas, comme des gouttes sur une vitre. Il se nourrit souvent en surface. La combinaison de ce mode de prédation, de sa taille et de son menu varié, explique qu’il se soit rendu coupable de nombreuses attaques sur des baigneurs. Rarement sur des plongeurs toutefois, et quasiment jamais sans que celles-ci ne soient provoquées. Les accidents/incidents peuvent être considérés comme provoqués dans la mesure où dans tous les cas un appât était présent dans l’eau moment de l’attaque, qu’il s’agisse d’un shark feeding ou de pêcheurs sous marins.

Reste qu’on sent qu’il convient d’être méfiant en présence d’un tigre. Comme le longimanus, le tigre vient défier le plongeur de très près. Le mieux alors est de ne rien faire. Quand on a l’habitude, comme moi, de plonger avec une caméra, on peut toujours se protéger avec celle-ci, mais mieux vaut tout de même ne pas provoquer de contact avec le requin, même s’il vient très près. Il n’est pas dit d’ailleurs que ce ne soit pas le métal et les batteries de la caméra qui l’attire. Les requins tigres aiment également beaucoup les écrans de contrôles LCD des caméras vidéos modernes. Méfiez vous donc des caméras sous marines pourvues d’un écran de contrôle extérieur. A moins que vous n’aimiez vous faire des frayeurs.
Méfiez-vous également du calme du tigre. Quand un tigre attaque, l’attaque est rarement soudaine, il ne s’agit d’ailleurs le plus souvent même pas d’une attaque de son point de vue, mais d’un « check bite ». Une morsure investigatrice faite dans le calme. Le requin tigre n’a pas peur de vous. Il n’hésitera pas à vous « goûter » pour mieux vous identifier. Ainsi est fait son caractère.

Quoiqu’il en soit, en règle générale, le tigre évite l’homme. Pendant longtemps, on s’est d’ailleurs demandé pourquoi les palanquées de plongeurs voyaient si peu de tigres sur Aliwal shoal, alors même que le récif fait partie de leur territoire. On pourrait d’ailleurs se poser la même question pour les requins blancs du Cap. La réponse est simple, les requins tigres évitent les plongeurs.Les relevés faits sur Aliwal grâce aux requins marqués montrent que ceux-ci ne fréquentent assidument le récif que l’après midi, alors même que les dernières plongées ont lieu entre midi et une heure. Les tigres ont compris les règles de notre manège sous-marin. Quant aux spécimens qui s’aventurent sur le récif durant la matinée, les plongeurs la plupart du temps ne les voient pas. Probablement se faufilent-ils derrière les palanquées où nagent-ils en surface quand ils les croisent. Or nous ne regardons que rarement au-dessus de nos têtes, piétons que nous sommes d’un monde en deux dimensions.

Le tigre, qui est également le plus primitif des requins, la plus vieille espèce vivante, est un requin discret et furtif qui se cache et nous cache sans doute encore bien des secrets.