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07/08/2012

Prélévements de requins à la Réunion : l'hypocrisie des pouvoirs publics

Suite à l'attaque de la semaine dernière à St Leu à la Réunion et après une valse-hésitation, les pouvoirs publics ont finalement autorisé le prélévement de 10 requins bouledogues et 10 requins tigres, tenez-vous bien "pour étudier une bactérie, la ciguatera, dont ils seraient porteurs"  et qui les rendant impropre à la consommation en limiterait la pêche (???).

Quel raisonnement tordu !

Si l'on suit ce raisonnement qui ne vise qu'à autoriser hypocritement une battue à l'ancienne de pêcheurs locaux qui ce faisant ne vont encore qu'attirer plus de requins, il s'agirait de lutter contre ce qui fait proliférer le requin bouledogue, alors même que cette prolifération n'est pas du tout établie scientifiquement.  L'hypothèse selon laquelle l'augmentation du nombre d'attaque ne pourrait résulter que d'une augmentation de la population de requin n'a rien d'évidente. Il n'y a pas prolifération de requin mais augmentation du nombre d'attaque. Cette augmentation pourrait très bien ne résulter que d'un changement de nos comportements et d'un changement des leurs, l'un ayant peut être occasionné l'autre. Nous sommes plus nombreux dans l'eau, de plus en plus loin du bord. Ils se rapprochent plus souvent des côtes (rejets). Par exemple.

Pas question d'avouer qu'il s'agit d'éliminer quelques spécimens pour contenter l'électorat. Non. Tout ceci n'a de fin que scientifique. 

Dans le même temps les pouvoirs publics ont investi dans un programme de marquage des requins bouledogues de la Réunion. Il serait amusant que leurs études sur les bactéries les amènent à éliminer des individus marqués dans le cadre de leur programme d'observation des comportements.

De la même façon, les pouvoirs publics ont créé une réserve naturelle, près de Saint Leu. Ils souligent néanmoins, par la voie d'un certain M.Brunetière, que la pêche au requin bouledogue, qui n'est pas une espèce protégée "y est autorisée". On hallucine. 

Il serait temps d'arrêter de réagir face à chaque attaque de façon soit hypocrite, soit épidermique pour regarder les choses de façon pragmatique et distanciée,

Tout d'abord, les mesures mises en place, du type vigie-requin, dont les surfeurs demandent le renforcement, sont-elles véritablement appropriées ?

Les vigies-requins s'inspirent d'une initiative mise en place sur certaines plages du Cap en Afrique du Sud : les Shark Spotters.

Il s'agit en effet d'une remarquable initiative parfaitement adaptée à la région du Cap et aux attaques de requins spécifiques qu'elle connaît. Mais pas à la Réunion!

Les Shark Spotters au Cap jouissent de deux avantages : ils interviennent sur un terrain accidenté et sont positionnés en hauteur, en surplomb des plages, parfois à plusieurs dizaines de mètres.  Je ne sais pas si c'est le cas à la Réunion. Qui plus est, les requins qu'ils guettent sont des grands requins blancs, bien plus imposants que le bouledogue et surtout nageant fréquemment sous la surface, donc bien plus faciles à repérer. Le bouledogue lui, partout où je l'ai rencontré, que ce soit au Mozambique, en Afrique du Sud ou au Bahamas, nage en rasant le fond.

D'après ce que j'ai pu voir sur Youtube, les vigies-requins de la Réunion encadrent notamment les cours en stand up paddle. Une telle technique, aussi reconfortante qu'elle soit pour les participants puisque la vigie est parmi eux, ne peut en aucun cas avoir une véritable efficacité. Seul un pêcheur aguerri parviendrait à percer à travers la surface à une distance de plus de 4m avec un tel angle et les reflets sur la surface (par temps calme). Il faudrait vraiment que le requin passe sous la planche pour qu'il soit aperçu. Rappelez-vous un post précédent :  lors d'Australia day, six bouledogues marqués se sont promenés au milieu des baigneurs sur les plages de Sydney sans qu'un seul ne soit remarqué !

Du coup, la vigie-requin de la Réunion en arrive à avoir une fonction inverse des shark spotters du Cap. Alors que les shark spotters du Cap sécurisent véritablement la plage, notamment en informant sur la fiabilité de leur surveillance (en fonction de la visibilité) et en amenant les surfers à évaluer la dangerosité des conditions, les vigies-requin donnent un faux sentiment de sécurité. Un système de drapeau vert et rouge, indiquant le niveau du danger requin (eau trouble ou non, analyse de celle-ci si possible) serait préférable.

La seule mesure efficace (même si je pense que la vraie conduite à avoir serait que les surfeurs acceptent ce risque minime comme faisant parti de leur activité) ne peut être que l'installation de filets ou de drumlines sur quelques plages sélectionnées (le moins possible) et ce de façon provisoire en attendant les résultats de l'étude sur le comportement des bouledogues. Seule cette solution satisfera les surfers et les professionnels du tourisme. A défaut de pouvoir partager la même mer, chacun la sienne.

Ceci n'évitera pas à 100% le risque d'attaque, mais le réduira considérablement. Les attaques sur les plages protégées de la South Coast du Kwazulu-Natal en Afrique du Sud sont rarissimes depuis la pose de filets à la fin des années 50 et au cours des années 60/70.  

La filets fonctionnent comme des pièges. Ils n'empêchent pas les requins de passer, mais tendent à capturer les spécimens passant trop de temps près de la plage. A la vue et à l'odeur de leurs congénères morts, les requins désertent probablement la zone (Cousteau avait remarqué ce comportement en mer rouge). C'est la seule raison que je vois à leur efficacité, si ce n'est peut être également qu'ils contribuent à faire diminuer inexorablement le nombre de requins. Les plages concernées ne deviendront donc pas sûre du jour au lendemain après la pose des filets. Cette technique est efficace notamment sur les bouledogues, relativement sédentaires (territoire s'étendant sur une centaine de km) par rapport aux tigres et aux blancs. . 

Elle constitue sans doute un moindre mal, si elle permet d'éviter qu'on éradique une espèce entière, au seul motif de sécuriser la pratique d'un sport aquatique. Le requin bouledogue est un requin côtier. C'est comme ça. Depuis assez longtemps d'ailleurs. 

Le requin bouledogue est classé parmi les espèces vulnérables par la CITES. Il constitue la quatrième espèce dont les ailerons sont les plus communs sur le marché de Hong Kong (cf. Rapport CITES). Peut-être se rapproche t-il des côtes parce qu'il est trop pêché au large ?

04/07/2012

Quand les requins blancs se géolocalisent : le Shark Tracker

 

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Localisation d'Albert en face de Eersterivier, dans la province de l'Eastern Cape, à 300 m de l'endroit où je m'étais baigné 10 ans plus tôt, à 5h du soir, au mois de juin.



Depuis deux jours, le Shark Tracker est en ligne. Il s'agit d'un site qui permet de visualiser les déplacements de 32 requins blancs, marqués en 4 endroits de la province du Cap en Afrique du Sud en Avril et Mai dernier par les équipes d'Ocearch.

Chaque fois que l'émetteur sort de l'eau, donc que l'aileron du requin dépasse de la surface, et pour peu qu'un gentil satellite passe par là, à la verticale, quelques milliers de kilomètres plus hauts, eh bien toc, le requin est localisé.

On peut ensuite visusaliser grâce au tracker les déplacements de tous les requins, de chaque requin individuel et faire toutes les combinaisons possibles à des fins de comparaisons. Le tracker est un outil formidable pour les amateurs de requins comme moi. Aux scientifiques, il offrira sans aucun doute une matière inestimable.

Je reviendrai sur les premières observations que l'on peut faire à partir du tracker dans un prochain article. Ce qui me frappe pour le moment c'est la très grande diversité des itinéraires empruntés le long de la côte sud africaine. Quelques points de rendez vous, ça se confirme. Bien des chemins pour y parvenir.

Pour autant, est-il bon de laisser ainsi le shark tracker entre toutes les mains ? Des individus mal intentionnés (l'espèce est mondialement protégée) ne pourraient-ils se servir de ces données à des fins peu avouables et radicalement opposée aux intentions de ceux qui les fournissent ?

Une autre question me taraude. Est-il bon que le grand public, surtout sud africain, visualise ces déplacements ? Ne risque t-il pas de s'apercevoir que presque tous ses lieux de baignade favoris, entre le Cap et le Kwazulu-Natal, en passant par l'Eastern Cape sont fréquentés, fût ce occasionnellement, par ce squale tant redouté ? Le tracker ne risque t-il pas de devenir une source d'angoisse plus qu'un outil pédagogique. La même remarque m'était venu à la suite de la publication des déplacements de requins bouledogues dans la baie de Sydney lors d'Australia Day. A ceci près que la publication avait été faite postérireurement et était ponctuelle.

J'imagine déjà les gens se rendant demain à la plage tout en consultant l'appli shark tracker sur leur smart phone. Ou bien un shark tracker à l'entrée de chaque plage, comme ces panneaux indiquant les pistes ouvertes ou non, dans les stations de ski ? Gageons que l'apaisement que sont censées procurer les vacances en prendrait un sacré coup. Qu'importe me direz-vous, les blackberries l'ont déjà sérieusement entamée. Plus sérieusement, j'imagine surtout des vacanciers réclamant du coup toujours plus de protections, toujours plus filets. J'espère me tromper.

Une dernière remarque : à ce jour, les requins n'écrivent pas de status quand ils se localisent.

Le shark tracker : http://sharks-ocearch.verite.com/

 

25/08/2011

Deux espèces de requins impliquées dans les attaques aux Seychelles

Contrairement à ce que j'écrivais il y a 4 jours, on n'a pas pu établir avec certitude que l'espèce responsable de la seconde attaque de requin aux Seychelles était bien le grand requin blanc. Les restes de dents retrouvés ne sont pas suffisants. Néanmoins on sait qu'il s'agit à coup sûr d'un requin blanc ou d'un requin tigre. 

En revanche, conformément à ce que je pressentais, il s'agit non seulement de deux requins différents, mais aussi de deux espèces différentes qui seraient responsables des attaques. On se dirige en effet pour la première attaque vers un suspect qui a pour nom le requin bouledogue ou requin du zambèze. 

Sur un site officiel Seychellois (que je n'arrive pas à retrouver, je vous transmettrais le lien si je retombe dessus), l'auteur rappelle qu'il avait aperçu des pêcheurs il y a peu de temps qui avaient capturé un requin tigre, si gros qu'ils avaient dû le sectionner en trois pour le transporter sur leur bateau (pas évident), et trois requins bouledogues que le tigre avait attaqués quand ils les avaient pêchés. On se demande bien d'ailleurs pourquoi ils les pêchaient (en tous cas, ça n'a manifestement pas empêché les attaques suivantes). L'auteur s'était réjoui que ces animaux n'aient pas totalement disparu de l'île (la population de requins ayant sérieusement déclinée au cours des dernières décennies notamment avec l'installation d'une pêcherie qui les ciblait), tout en se réjouissant que ce requin tigre en particulier ne s'aventurât pas près des côtes (!). 

Chose que je ne savais pas, les requins bouledogues sont présents à Mahé, mais rarement si près du bord (20m). Je n'ai même pas entendu dire que les touristes les croisaient en plongée. Il faudrait savoir pourquoi ces derniers, et d'autres requins, s'approchent désormais un peu plus souvent. Quoiqu'il en soit, vu le pédigrée des experts dépêchés sur place, tout porte à croire que la solution préconisée sera la pose de filets qui ne protègeront en rien les baigneurs (les filets ne barrent pas l'accès à la plage. cf article sur la suppression des filets anti requins dans ce blog), mais décimeront lentement mais sûrement le peu de requins qu'il reste dans le coin.

Il serait temps que l'homme accepte le risque qu'il court en pénétrant dans un espace qui n'est pas uniquement réservé à ses baignades ou qu'il y renonce.

Dernière petite information. Je me suis laissé dire que des pêcheurs cherchant à capturer le requin responsable de la première attaque avait appâté en amont de la plage ou celle-ci s'était produite. La seconde attaque a eu lieu au même endroit.