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08/12/2010

La protection des requins à Malpelo

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Le Nemo, amarré à un navire de la marine colombienne à Malpelo, Novembre 2010.

 

 

 

Malpelo, située en plein Pacifique, à 500 km de la côte colombienne, est un sanctuaire pour les requins, notamment pour les requins marteaux et les requins soyeux que l’on trouve autour de l’île regroupés en bancs de plusieurs dizaines, voire centaines d’individus. C’est la concentration plus que la rareté des espèces qui en fait un endroit unique, à la notable exception d’une variété endémique de requin féroce découverte récemment.

 

 

Malpelo qui s’élève d’environ 300 m au dessus de l’eau pour l’îlot principal, constitue la crête émergée d’une montagne sous marine, la dorsale de Malpelo. Alors que la surface de l’île n’est que 3,5km2, la dorsale s’étend elle sur 296 km de long et 90 km de large. C’est dire que la surface à protéger dépasse de loin la superficie de l’île. C’est pour cela que la zone du Sanctuaire de Faune et de Flore de Malpelo a évolué en trois étapes pour atteindre sa taille actuelle qui couvre un périmètre 90 km sur 90 km et semble enfin à peu près suffisante.

 

L’espèce ciblée par la pêche à Malpelo, c’est le requin, même si d’autres espèces comme le thon sont présentes en abondance. Elles peuvent être pêchées ailleurs, avec moins de risques. Tandis que rares sont les endroits où les requins se concentrent comme autour de cette île qui est une oasis dans un désert d’eau. Ils ne s’en éloignent que d’une quarantaine de kms maximum pour se nourrir, avant de revenir autour de l’île se faire nettoyer.

 

Reste que ce sont des pélagiques et qu’ils transitent. Il y a une inter-connectivité entre Malpelo et ces autres îles que sont les Galapagos en Equateur, Cocos au Costa Rica et Coïba au Panama. Des requins marteaux marqués à Malpelo ont été retrouvés autour de chacune de ces îles. Les tortues marines, les mammifères marins et d’autres pélagiques utilisent également ces itinéraires bleus entre ces montagnes sous marine qu’on appelle corridors marins. Les pays concernés par ces migrations se sont rejoints pour créer le CMAR, un corridor marin protégé reliant ces îles. Ces initiatives semblent néanmoins en réalité encore balbutiante, faute de moyens de surveillance.

 

 

La Colombie, parmi les pays cités, paraît de loin être la plus volontaire. Pour les autres, les choses sont plus problématiques. Le Panama, dont la complaisance maritime n’est plus à prouver, abrite sous son pavillon de nombreux pêcheurs illégaux. Quant au Costa Rica, qui faillit sortir du CMAR il y a peu suite aux pressions de lobbies de pêcheurs, sous des apparences fermes, on le découvre très laxiste : le respect des zones protégées laisse pour le moins à désirer, que ce soit du fait du manque de capacité à le faire respecter ou de la corruption. On m’a informé ainsi que des taupes de la marine costa-ricienne renseignaient régulièrement les pêcheurs commandités par les cartels taïwanais sur la présence des navires de contrôles. Quand on sait que de son côté l’Equateur soutient encore régulièrement le Japon dans sa lutte pour l’obtention de quotas supplémentaires de pêche à la baleine, on se dit que la partie est loin d’être gagnée.

 

Lors de mon séjour a Malpelo, nous étions amarrés à un navire de la marine colombienne en permanence (les endroits de mouillages ne sont pas légion). Un autre navire parcourait la zone dans le même temps. Je ne l’ai jamais aperçu. L’un de nos guides m’informa que c’était la première fois qu’il constatait une présence militaire en cinq voyages en 2010.

 

Selon la fondation Malpelo, au cours des 7 dernières années, le nombre de prises illégales de requins aurait diminué de 80%. Il s’élevait à environ 13 tonnes aux alentours de 2003, ce qui représentait environ 65 000 requins tués. Je ne sais pas sur quelles bases ces mesures reposent, mais il est par définition toujours difficile de juger de l’ampleur d’un commerce qui se déroule dans l’ombre. Lors de mon séjour sur l’île, nous avons quand même trouvé 2 ou trois morceaux de lignes et de filets montés sur des bouées.  Les pêcheurs sont donc bien là, à jouer plus ou moins à cache-cache avec des militaires fort mal équipés. Leurs bateaux sont des rafiots lents et peu dissuasifs. Souvent, faute d’avoir pu arraisonner les vaisseaux coupables, ils doivent se contenter de rapporter leur immatriculation aux autorités compétentes de leurs pays respectifs. Autant dire que pour certains, le risque est faible voire inexistant.

 

Ce trafic, dérisoire à l’échelle mondiale, bien que beaucoup moins juteux que le trafic de la drogue, n’est pas négligeable à l’échelle de pays comme la Colombie et ses voisins.

 

La Colombie qui a combattu bien d’autres formes de criminalité ces dernières années semble s’être attaqué à celle-là. Il lui revient de s’assurer qu’en contrepartie, elle saura dégager des revenus de substitution qui combleront le manque à gagner et qui encourageront dans cette voie. A cet égard, Malpelo pourrait facilement accueillir 3 bateaux de plongeurs à la fois, sans que la vie marine n’en soit bouleversée, ni que les plongeurs ne se croisent sous l’eau. Ils pourraient même échanger des infos intéressantes sur les sites de plongée. Un éco-tourisme profitable pour tous serait peut-être un argument convaincant, même s’il ne peut être qu’une réponse partielle au désarroi économique que connaissent les régions côtières qui se sentent en manque quand la drogue ou la rébellion n’arrondissent pas leurs fins de mois.