Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/07/2015

Ocearch, au secours

Cela fait bien longtemps que je n’ai pas écrit sur ce blog. C’est mal. A cet égard, il faudra que je vous parle des requins bleus des Açores, des requins des mangroves de Turks and Caicos, et pourquoi pas des singes à culs nus dévoreurs de tropiques , mais nous avons le temps.

 En attendant, je voudrais revenir sur un sujet auquel j’ai consacré plusieurs articles, le tracking de requins blancs réalisé par les Shark Wranglers d’Ocearch. Shark Wranglers ! Tout était dit. J’aurais dû me méfier. Les vrais scientifiques se prennent rarement pour des cowboys.

Ces marquages qui se voulaient révolutionnaire prirent place d’abord à Guadalupe au Mexique, puis aux îles Farallones au large de San Francisco, puis en Afrique du Sud, à Mossel Bay notamment, et se poursuivirent ailleurs en ciblant d’autres espèces. C’est lors des marquages effectués en Afrique du Sud que j’entendis parler de cette initiative pour la première fois, renseigné par le reality show requinesque diffusé par … The History Channel (là aussi, on aurait pu se méfier).

Cela fait maintenant 3 ans que ces marquages ont été réalisés en Afrique du Sud et plus aucun tag ne marche depuis plus d’un an. Une grande partie d'entre eux a cessé d’émettre très vite. Ce devait pourtant être ça la révolution: des tags qui ne se détacheraient pas et qui pourraient nous permettre de suivre en temps réel les requins sur une période de 5 ans.

Au final, ces expéditions à part la médiatisation du requin blanc suivi en temps réel n’auront rien apporté.  Elles n’auront permis que de collecter en temps réel des données que l’on possédait déjà. L’intérêt du temps réel est lui-même discutable. Certains y verront une première avancée pour lutter contre les attaques. J’en doute. Un dispositif qui avertirait les baigneurs de la présence de requins ne ferait que les effrayer en permanence tant les requins blancs, requins largement côtiers sont si souvent présents, bien qu’inoffensifs. L’autre problème du temps réel, c’est à l’évidence qu’il renseigne les pêcheurs et n’aide en rien à la protection de l’espèce.

Non seulement ces expéditions n’ont rien apporté de positif,  mais elles auront coûté la vie à plusieurs animaux. C’est là où le bât blesse.

Ces tags révolutionnaires requéraient des méthodes de fixations qui l’étaient beaucoup moins. Chaque requin devait être hissé sur une plateforme ascenseur afin de permettre à différents techniciens et autres pseudo-scientifique (ou vrais, mais achetés) de travailler.
Conformément à leur surnom de Shark Wrangler, les cowboys d’Ocearch pêchaient le requin blanc à l’aide d’un gros crochet, censé ne pas blesser sérieusement l’animal, puis le remorquait jusqu’à la plateforme. On remontait ensuite la plateforme et le tour était joué. Les hommes d'Ocearch s'amusaient à jouer le rôle  de cowboys marins qui captureraient le bétail au lasso pour ensuite le marquer.

Il semblerait qu’au moins un requin ait avec une quasi certitude succombé aux effets secondaires du crochet inoffensif. Un requin baptisé Junior qui se rendait chaque année aux îles Farallon n’a plus été aperçu qu’une seule fois après son marquage, très diminué et présentant une infection manifeste à la mâchoire.

Un autre requin est mort au moment même de son marquage en Afrique du Sud.  L’animal une fois remis à l’eau a coulé presque directement au fond. Probablement exténué par son remorquage suivi d’un long, trop long, séjour sur la plateforme (certains requins sont restés ½ heure en dehors de l’eau) l’animal était probablement asphyxié quand il a été remis à l’eau.

Il existe un autre problème qui n’a pas trait à l’oxygénation que pose l’utilisation d’une telle plateforme. Le requin (comme les cétacés d’ailleurs) ne possède pas de muscle « abdominaux », si je puis parler ainsi, protégeant et soutenant ses organes. C’est l’eau qui s’acquitte généralement de cette tache.  Ainsi, à l’air libre, sous l’effet de son poids  un requin de plusieurs centaine de kilo, voire une tonne, peut s’infliger des lésions qui s’avéreront fatales au bout de quelques heures ou de quelques jours. Il y a fort à parier que quelques individus ont succombé de la sorte.

Je vous passe les détériorations infligées aux ailerons par ces tags révolutionnaires, comme l’ont montré les photos prises d’un spécimen nommé Frodo qui avec le temps a perdu toute la partie de son aileron dorsal à laquelle était attaché le tag.

Je ne sais trop quoi dire en conclusion si ce n’est  que Chris Fischer, à la suite de la capture de Junior a tenté de faire homologuer sa prise pour obtenir le record mondial pour une prise de grand requin blanc, record quasi impossible à obtenir aujourd’hui que la pêche est quasiment interdite partout. Mais, pas pour tout le monde.

14/09/2012

Les déplacements de la population de grands requins blancs sud africaine : premières observations à partir du Shark Tracker Ocearch

grand requin blanc,requin blancs,déplacement,migration,population sud africaine,madagascar,namibie,ocearch,shark tracker,mozambique,géolocalisation,tag

                                               Maureen, le 14/09/2012

 

Il y a de cela quelques temps, je vous parlais du Shark Tracker lancé par Ocearch, plus connus comme les sharkmen de National Gegraphic, inventeurs de la première émission de télé réalité requinesque.

Mais tout d'abord, Je voudrais attirer votre attention sur quelques limites du Shark Tracker, peut être inhérente à l'idée même de data visualisation qui se fait si bien passer pour la réalité. Il ne faut jamais oublier que la data visualisation est et restera toujours une forme d'interprétation des data, parfois trompeuse.

Je m'explique. On peut visualiser grâce aux Shark Tracker ce qui se fait passer pour l'itinéraire d'un requin, représenté par des segment reliant chacun des Ping de celui-ci (le ping est le moment/point où son aileron fend la surface et permet au transmetteur qui a été fixé dessus de le localiser, pour peu qu'un satellite se balade pas trop loin de là au même moment ). Or il y a bien souvent des intervalles de plus d'un mois, entre deux ping ! Parfois on s'en rend compte parce qu'en un mois le requin s'est énormément dépacé, d'autres pas, car le ping suivant, bien que très éloigné dans le temps est très proche dans l'espace.

Entre deux ping espacés d'un mois, le requin a dû faire bien des aller et venues non linéaire et autres divagations que le tracker ne perçoit pas. (Le problème avec les requins c'est qu'il n'ont pas forcément besoin d'aller à la surface pour respirer).  Peut être voyage t-il énormément entre deux ping espacés dans le temps, mais reste en profondeur. Qu'y fait-il ? Peut être se met -il en mode charognard pour rechercher les carcasses de cétacés morts (Ne l'a t-on pas observé à Hawaï à plus de 450m de fond!) ? Entre autre.

Une autre observation. Ce sont les femelles qui font les plus longs périples. En effet, cinq individus sur 34 à ce jour on fait des périples les éloignant de plus de 800 km des côtes. Il s'agit de cinq femelles. On constate une grande variété de destinations dans ces périples. L'une a remonté la côte atlantique jusqu'en Namibie, l'autre est allée se promener au Mozambique puis à Madagascar et se trouve maintenant a quasi équidistance de sa position de départ en Afrique du Sud et de l'Australie (sa dernière position qui d'aujourd'hui, alors qu'elle était silencieuse depuis le 13 août ! Si ça c'est pas de l'info frâiche !). Ira t-elle jusqu'en Australie, comme Nicole il y a 6 ans (encore une femelle cf. article  du 13/04/2006 Et si Nicole était amoureuse ?). Une troisième est partie se promener loin dans les mers froides du sud avant de retourner sur la côte sud africaine. 

A l'heure où je vous parle, une quatrième femelle trace également sa route vers le sud. Voyons si elle ira plus loin que la précédente.

Pourquoi une telle diversité dans ces périples. ? La nourriture recherchée y est sans doute pour quelque chose. On sait que les baleines à bosse viennent mettre bas dans les mers chaude durant l'hiver austral. Madagascar est à ce titre une terre d'accueil pour ces dernières. On sait également que deux fois par an, les thons se rassemblent au large du cap Agulhas et du cap de Bonne Espérance (les pêcheurs sud africains, japonais et taîwanais le savent hélas mieux que quiconque). La côte namibienne est tristement célèbre pour ces colonies de phoque dont quelques 91000 sont massacrés chaque année de juillet à novembre, car c'est la saison des petits qui représentent plus de 90% des  victimes (tiens donc, c'est peut être cela qui intéresse également les requins).

Baleines, phoques, thons, trois proies en tête de menu pour le grand requin blanc,. Trois itinéraires correspondants ? Sans doute pas exclusivement.  Les mers au sud du continent africain sont également riches en calamars et les baleines les fréquentent également. Sans compter les nombreux bancs de dauphins (notamment communs) que le requin blanc affectionne également.

Pourquoi si peu de trajets longue distance ? Je pense que cela tient aux zones de marquages elles-mêmes. Les plus gros spécimens femelles par le fait même qu'ils vadrouillent sont proprotionnellement moins présents sur les grands points de rassemblement en bord de côte que sont False, Bay, Gansbaai, Mossel Bay et Algoa Bay. Donc plus difficile à marquer. L'échelon que nous possédons n'est probalement représentatif que de cette zone.

Les males en revanche ne s'éloignent guère de la côte. Leurs besoins alimentaires ne le nécessitent peut être pas ? Peut-être sont ce seulement les femelles porteuses qui voyagent le plus ?

Une dernière remarque. A ce jour, on n'observe pas en Afrique australe de phénomènes semblables à ceux observés dans le Pacifique Est où les requins blancs mâles se retiraient au large en un endroit baptisé le "shark café" que les femelles (qui elles poussent parfois jusqu'à Hawaï) visitent de temps en temps. Il semblerait qu'en Afrique du Sud, tout se passe non loin de la côte, mais ne nous prononçons pas trop vite, le shark tracker n'est en service que depuis fin mars.

Toute ces réserves ayant été posées, je retire ce que j'avais dit dans mon précédent post où j'ironisais sur l'appli permettant de repérer les requins en temps réel (d'ailleurs elle existe déjà aux US !). Le shark tracker, c'est quand même génial. ! A bientôt pour d'autres observations, sur les traces de Maureen (la femelle qui s'est localisée en plein milieu de l'océan indien ce jour même même) ... notamment.