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27/04/2006

Les requins nous prennent-ils vraiment pour des phoques ?

Pour qui ce jeune reporter de la télévision suisse prenait-il ce requin blanc? Pour un animal de cirque sans doute.
Geyser Rock (Afrique du Sud), juillet 2005


Parmi les idées reçues que l’on entend souvent depuis quelques années revient souvent celle selon laquelle les requins, dotés d’une mauvaise vue, nous confondraient, selon les cas avec des phoques ou avec des tortues, ce qui expliquerait bon nombre d’attaques.

Vu du dessous, un plongeur avec ses palmes et sa combinaison pourrait être mépris pour un phoque et un surfer et sa planche pour une tortue. L’espèce de requin à laquelle on fait référence n’est le plus souvent pas spécifiée, mais on peut supposer que les principaux concernés sont le requin blanc et le requin tigre, grands amateurs de phoques et de tortues

Il y a certainement là encore une forme d’anthropomorphisme. En effet, ne surestime t-on pas l’importance de la vue chez le requin en partant du principe qu’elle pourrait être le facteur déclenchant d’une attaque ? Joue t-elle vraiment un rôle prépondérant pour le requin tigre qui attaque parfois de nuit. C’est peut-être surtout de notre point de vue, en se fondant sur le rôle qu’elle joue chez nous, que la vision oculaire nous paraît aussi importante.

Deux éléments portent pourtant à croire que le requin tigre n’attaque pas le surfer parce qu’il se méprend. Tout d’abord, le fait que le requin tigre est probablement parmi les requins celui dont le menu est le plus varié. Le contenu de son estomac est d’ailleurs souvent assimilé à celui d’un catalogue d’objets insolites. N’y a t-on pas déjà retrouvé une plaque d’immatriculation qu’on ne voit pas bien avec quel animal marin il aurait pu confondre. La seconde raison tient au fait que le requin tigre est un requin qui « goûte » ses proies en les mordant. Là où d’autre se contentent de se frotter à elle ou de les cogner pour « voir » de quoi il s’agit, le requin tigre analyse la texture de l’objet avec sa bouche. Ce que nous percevons comme une attaque n’est ainsi bien souvent du point de vue du requin qu’une recherche d’identité.

De ces raisons, on peut déduire que le requin tigre est un prédateur opportuniste et curieux, ouvert à de nouvelles saveurs qu’il juge sur pièce. Deux bonnes raisons de se méfier du requin tigre qui n’ont rien à voir avec le fait de ressembler à une tortue. Surfer rassurez-vous, votre nouvelle combinaison imitation carapace ne vous mettra donc pas plus en danger qu’une autre ! En revanche, n’oublions pas que le surf est probablement le sport aquatique dont les pratiquants passent le plus de temps dans l’eau. Ce sont peut-être ceux qui ont le plus de chance, même si ces dernières restent infimes, de rencontrer ce chasseur opportuniste et parfois avide de nouveauté qu’est le requin tigre.

Le cas du requin blanc est un peu différent. On sait que la vue joue un rôle plus important chez ce dernier que chez le tigre. Il est souvent observé pointant le museau au-dessus de la surface, comme pour faire un tour d’horizon. Son grand œil noir est légendaire et d’ailleurs, il n’attaque pas, à ma connaissance de nuit. Ceci ne veut pas forcément dire que la vue constitue le seul sens jouant un rôle important lorsqu’il chasse. En effet, quand on connaît l’acuité de ses autres sens on peut supposer que ces derniers se combinent pour donner une image assez précise de l’animal attaqué. La forme n’est d’ailleurs sans doute pas la seule donnée. Les mouvements dans l’eau, la vitesse de déplacement sont sûrement aussi, « voire » plus important. Son cerveau, tout entier consacré à percevoir le plus précisément possible l’image présente, ne prend certainement pas les vessies pour des lanternes. On ne survit pas 180 millions d’années en commettant de pareilles bourdes.

Certes il arrive au grand requin blanc de commettre des erreurs, mais elle ne sont pas si grossières que cela. On arrive à le faire sauter en dehors de l’eau en traînant un mannequin de polystyrène en forme de jeune otarie derrière un bateau, mais la ressemblance est, dans ce cas, beaucoup plus évidente et la méprise excusable. La fausse otarie, tractée par le bateau, se déplace de surcroît à une vitesse qui rend le subterfuge crédible. Il n’en va pas de même pour un plongeur ou pour un baigneur dont la silhouette, la vitesse et les mouvements diffèrent de ceux de l’otarie.

Mais alors pourquoi le requin blanc attaque-t-il, si l’homme ne fait pas partie de son menu et qu’il ne se méprend pas ? Plusieurs explications me viennent à l’esprit. Tout d’abord, tout comme le requin tigre, il arrive au requin blanc de « goûter » avec la bouche un objet inconnu. Après avoir longtemps tourné, il tâte généralement l’appât ? Vue la taille et la dentition du grand blanc, cette séance de dégustation est généralement assimilée à une attaque. C’est ce qui s’est produit au large du Chili, il y a une dizaine d’années. Un grand blanc, aperçu en surface juste avant l’attaque, s’est emparé de la jambe d’une jeune plongeuse qui se détendait en surface. Or d’ordinaire, le grand blanc chasse toujours à l’affût, maraudant en profondeur avant de déclencher une attaque soudaine. Pour le requin, il ne s’agissait donc certainement pas d’une attaque, plutôt d’une exploration, aussi terribles que puissent être les conséquences eût égard à la taille de l’animal.

Deux autres facteurs peuvent également constituer des pistes d’explications. Il arrive peut-être au grand blanc de s’entraîner à la chasse, comme les jeunes félins le font parfois. On le constate aux pingouins morts que l’on retrouve parfois en surface dans les eaux qui entourent Dyer Island en Afrique du Sud. Les grands blancs tuent les pingouins, mais ne les consomment pas. Or il ne paraît pas concevable qu’ils les prennent pour des otaries, vue leur taille.
Il est intéressant de noter à cet égard que les grands blancs que l’on trouve autour de Dyer Island dépassent rarement les 4m50, grand maximum, alors même qu’on a aperçu des individus dépassant les 6m dans les environs. L’explication la plus plausible est que le menu du requin blanc varie au cours de sa vie. Vient un temps où en grandissant, il abandonne sans doute le régime otarie entamé à l’adolescence pour s’ouvrir à de nouvelles sources de nourritures. Ces changements de régimes nécessitent certainement des périodes d’apprentissage qui expliquent peut-être certains comportements atypiques, tout à fait exceptionnels.

En effet, les attaques dont nous parlons ici sont rarissimes comparées au nombre d’occasions probables où un requin blanc détecte la présence d’un humain (sans que l’inverse ne soit vrai) et passe son chemin. La plupart des requins tigres et des grands blancs ne nous prennent donc certainement ni pour des phoques, ni pour des tortues, mais nous, dans notre immense majorité, pour qui les prenons-nous ?

22:40 Publié dans Requineries | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Animaux

Commentaires

Merci d'avoir brillamment démonté cette fausse idée.
Cousteau soutenait lui que c'était juste pour gôuter, pour voir quoi.
Et bravo pour le blog, les photos et los tiburones tambien.
Christian

Écrit par : Carcharodon carcharias | 15/05/2006

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