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01/09/2011

Les requins bouledogues ne sont pas des tueurs aveugles

Le 14 juillet australien dernier, Australia Day, le 26 Janvier, des scientifiques australiens travaillant pour le Dr Smoothey ont monitoré une population de requins bouledogues qu’ils marquent en les équipant de transmetteurs depuis 2009 ( à la suite de l’attaque qui avait eu lieu de nuit dans le port de Sydney). Ils ont publié, il y a quelques jours, la carte de leurs déplacements. Les résultats sont édifiants.

 

Deux populations ont été marquées depuis 2009. D’abord dans la baie de Sydney qui devient ensuite bras de mer et s’enfonce dans un delta, puis, depuis octobre 2010 un peu plus au nord dans un écosystème qui semble proche pour celui qui regarde une carte, mais qui ne l’est sans doute pas tant que ça, vus les premiers résultats de l’étude : Clarence river. En effet sur le premier site, où environ une trentaine de requins ont été marqués (je ne suis pas sûr du chiffre exact), on ne trouve que des mâles. Sur le second site en revanche, rien que des femelles et de jeunes spécimens (25 individus marqués), ce qui est assez logique.

 

Les informations collectées lors de l’Australia Day ne concernaient donc que des mâles (mais le marquage de Clarence n’a commencé qu’en Octobre) dont la taille oscillait entre 2m20 et 2m80 environ.

 

Il s’avère que ce jour-là, au coeur de l’été austral, alors que les plages de Sydney étaient bondées, 7 requins bouledogues se sont baladés, parfois à proximité des baigneurs, sans qu’aucun incident ne survienne et surtout, c’est peut être la le plus étonnant, sans qu’aucun d’eux ne soit remarqué.

 

Cette observation m’a rappelé deux témoignages qui abondent dans le même sens. Il y a quelques années, sur la toile, je suis tombé sur un témoignage d’un plongeur américain qui disait qu’une population de quelques requins bouledogues traînait en quasi-permanence au bord d’un tombant qui créait une vague que les surfeurs affectionnaient tout particulièrement. Là encore, jamais le moindre accident. L’autre témoignage me vient du Mozambique, de Ponta Do Ouro, dont je vous ai souvent parlé. Un chauffeur de pick up m’avait confié, sans que je l’ai observé moi-même, que les enfants surfaient très souvent en compagnie de requins bouledogues et qu’ils s’amusaient même parfois à les taquiner. Si c’était mes enfants, je pense que j’aurais tout de même une petite conversation avec eux.

 

Tout ceci amène une première conclusion. Ce qui est exceptionnel, dans les zones qui constituent son habitat, ce n’est pas la présence du requin bouledogue, c’est le fait qu’il attaque (très très rarement) l’homme, alors même que leurs habitats se chevauchent plus que pour aucun autre requin.

 

Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles un requin bouledogue peut être amené à parfois attaquer l’homme (cf. dans ce blog l’article « Dans quelles conditions le requin bouledogue risque t-il d’attaquer ? »). Ce que je veux dire ici et c’est ma deuxième conclusion, c’est que l’homme n’est en aucun cas une proie pour ce requin et que la coexistence de ces deux grands prédateurs que sont l’homme et le requin bouledogue est le plus souvent harmonieuse.

 

Je ne voudrais pas vivre dans un monde où il n’y aurait plus de requins bouledogues.

25/08/2011

Deux espèces de requins impliquées dans les attaques aux Seychelles

Contrairement à ce que j'écrivais il y a 4 jours, on n'a pas pu établir avec certitude que l'espèce responsable de la seconde attaque de requin aux Seychelles était bien le grand requin blanc. Les restes de dents retrouvés ne sont pas suffisants. Néanmoins on sait qu'il s'agit à coup sûr d'un requin blanc ou d'un requin tigre. 

En revanche, conformément à ce que je pressentais, il s'agit non seulement de deux requins différents, mais aussi de deux espèces différentes qui seraient responsables des attaques. On se dirige en effet pour la première attaque vers un suspect qui a pour nom le requin bouledogue ou requin du zambèze. 

Sur un site officiel Seychellois (que je n'arrive pas à retrouver, je vous transmettrais le lien si je retombe dessus), l'auteur rappelle qu'il avait aperçu des pêcheurs il y a peu de temps qui avaient capturé un requin tigre, si gros qu'ils avaient dû le sectionner en trois pour le transporter sur leur bateau (pas évident), et trois requins bouledogues que le tigre avait attaqués quand ils les avaient pêchés. On se demande bien d'ailleurs pourquoi ils les pêchaient (en tous cas, ça n'a manifestement pas empêché les attaques suivantes). L'auteur s'était réjoui que ces animaux n'aient pas totalement disparu de l'île (la population de requins ayant sérieusement déclinée au cours des dernières décennies notamment avec l'installation d'une pêcherie qui les ciblait), tout en se réjouissant que ce requin tigre en particulier ne s'aventurât pas près des côtes (!). 

Chose que je ne savais pas, les requins bouledogues sont présents à Mahé, mais rarement si près du bord (20m). Je n'ai même pas entendu dire que les touristes les croisaient en plongée. Il faudrait savoir pourquoi ces derniers, et d'autres requins, s'approchent désormais un peu plus souvent. Quoiqu'il en soit, vu le pédigrée des experts dépêchés sur place, tout porte à croire que la solution préconisée sera la pose de filets qui ne protègeront en rien les baigneurs (les filets ne barrent pas l'accès à la plage. cf article sur la suppression des filets anti requins dans ce blog), mais décimeront lentement mais sûrement le peu de requins qu'il reste dans le coin.

Il serait temps que l'homme accepte le risque qu'il court en pénétrant dans un espace qui n'est pas uniquement réservé à ses baignades ou qu'il y renonce.

Dernière petite information. Je me suis laissé dire que des pêcheurs cherchant à capturer le requin responsable de la première attaque avait appâté en amont de la plage ou celle-ci s'était produite. La seconde attaque a eu lieu au même endroit.

14/03/2009

This is the end

Une bien triste nouvelle m’est parvenue ces derniers jours. Alors que j’écrivais à Trevor Krull pour l’informer de mon intention de plonger avec lui sur Protea Banks au mois d’Avril, ce dernier me fit savoir qu’il avait cessé son activité sur ce récif qu’il avait été le premier à explorer en dessous de la surface, en tant que pêcheur sous-marin en 1993. Il fut également le premier à le faire découvrir à d’autres plongeurs à partir de 1994 à la tête d’African Dive Adventures qu’il revendit ensuite à un abruti dont j’ai oublié le nom, avant de revenir en 2002 pour travailler dans l’opposition.

Protea Banks était pour moi la Mecque de la plongée avec les requins. Le nombre et la variété d’espèces que l’on pouvait y observer étaient impressionnants. On y rencontrait régulièrement, au gré des saisons, requins marteaux halicornes, requins du zambèze (requins bouledogue), requins taureaux, requins tigre, requins à pointe noires, requins cuivre, requins sombres et beaucoup plus rarement requins blancs. Occasionnellement, on y vit aussi requin pélérin , requin baleine, requin mako et requin renard.

Mais ce qui faisait le caractère unique de Protea, c’était avant tout le requin du Zambèze. Protea était probablement le seul récif d’Afrique du Sud sur lequel on pouvait observer de la façon la plus certaine cet animal emblématique des côtes de l’Afrique Australe. Certes on peut toujours l’observer ailleurs, mais jamais plus on ne verra les congrégations qui peuplaient alors Protea Banks.

Protea était la ruche longtemps inconnue d’où venaient tous ces requins qui provoquèrent la panique sur les plages d’Amamzintoti dans les années 50, puis dans les années 70. Ce sont eux qui provoquèrent ce besoin chez les nageurs de se cacher derrière des filets meurtriers, alors même qu’il leur aurait suffit d’aller nager ailleurs.

Alors qu’il arrivait encore en 1999 d’apercevoir une quarantaine de requins du zambèze par plongée, on n’en voit plus aujourd’hui dans les bons jours qu’un ou deux. Les longliners et les filets se sont occupés du gros du ménage, les pêcheurs au gros, ont enlevé la poussière qu’il restait dans les coins.

Si je vous parle aujourd’hui de ce récif au passé, c’est que pour moi il n’existe plus. Le Protea que je viens de vous décrire, n’est hélas plus qu’un souvenir. Protea n'est pas Protea sans Trevor et ces requins, qui portent le nom de son chien.

C’est pourquoi je vais aller les voir à Ponta, au Mozambique, en espérant qu'ils soient encore un peu là, mais pour combien de temps.

20/11/2007

Un requin bouledogue en Irak

Pauvres irakiens qui ne sont à l’abri nul part. Les américains et les attentats sur terre et maintenant des requins dans les fleuves.

Vous l’avez peut être entendu, un requin a été trouvé mort dans les filets d’un pêcheur non loin de Nassiriyah à 200 kms de la mer, en Irak. Il s’agirait d’un spécimen d’environ 2 m, et 110 kg, décrit comme étant un requin blanc ayant commis une escapade suicidaire en eau douce dans l’Euphrate.

Vous vous en doutez, il ne s’agit évidemment pas d’un requin blanc. Je vous le confirme, j’ai vu une photo de l’animal. Pas plus d’un requin taureau, comme le prétendent d’autres sites pseudo-érudits (erreur habituelle de traduction de bullshark en français), mais bien d’un requin bouledogue.

Les sites qui rapportent cet évènement parlent d’une prise inédite. Ce n’est pas non plus tout à fait vrai. Le requin bouledogue a fréquenté pendant de nombreuses années l’Euphrate, ainsi que le Tigre, autre fleuve d’Irak. Les individus à ailerons qui fréquentent ce genres d’eaux fluviales le font essentiellement, quand il s’agit de spécimens de petite taille (environ 1m), pour se préserver des prédateurs. On les trouve alors souvent aux embouchures des fleuves. Pour ce qui est des individus de plus grande taille, il s’agit le plus souvent de femelle qui viennent mettre bas. La constitution particulière de cette espèce lui autorise ces séjours prolongés en eau douce (cf. article : « Dans quelles circonstances le requin bouledogue en vient-il à attaquer ? »).

Si la présence du bouledogue dans l’Euphrate semble avoir été oubliée, c’est que cette espèce a progressivement déserté les fleuves qui étaient son domaine jadis. Il y a de cela 5 ans, dans le cadre d’un reportage sur les attaques de 1916 dans le New Jersey, une équipe de National Geographic avait eu le plus grand mal à trouver un tout petit spécimen de bouledogue mort, après trois semaines de tournage sur le Gange, alors qu'il "infestait" jadis ce fleuve. Le Zambèze, qui était son royaume et qui lui a valu son surnom en Afrique australe (requin du Zambèze), ne fait lui même plus partie de ses fleuves prédilections, obstrué qu’il est par de nombreux barrages.

Si la présence des américains en Irak est contestable, celle d'un requin bouledogue dans l’Euphrate l'est beaucoup moins. Il ne fait que revenir, peut être à l’occasion de circonstances exceptionnelles, sur un territoire dont on l’a chassé, il y a peu. Peut-être s'agit-il d'ailleurs d'un ultime pélerinage. Qui sait si l’on reverra un jour un autre requin bouledogue dans l’Euphrate ?

11/08/2006

Les requins pèlerins ne sautent pas pour flamber

On sait qu’il arrive aux requins pèlerins de sauter hors de l’eau, ce que l’on ignore en revanche, c’est la raison qui les y pousse. Certains envisagent, du fait de la présence fréquente d’autres spécimens dans les environs lorsque ce comportement a pu être observé, qu’il puisse s’agir d’une démonstration de puissance dans le cadre d’une parade nuptiale. On n’a pourtant jamais, à ma connaissance, observé de tels comportements, précédant l’accouplement, chez d’autres espèces de requins. Il s’agit plutôt là d’un comportement propre à certains mammifères.

En revanche nombreux sont les requins qui sautent en dehors de l’eau. A ma connaissance, le requin mako, le requin cuivre, le requin blanc, le requin renard, pour ne citer que ceux là, sont régulièrement observés sautant complètement en dehors de l’eau. Si ce comportement est fréquemment observé, il est en revanche rarement documenté. La difficulté est là. Il est quasiment impossible de savoir où et quand un requin sautera. Ainsi lors d’une promenade en bateau sur le lac Santa Lucia en Afrique du Sud, le guide me signala qu’il observait régulièrement de jeunes requins du Zambèze sauter en dehors de l’eau, mais que personne n’était jamais parvenu à les photographier. Là encore, on ne savait pas ce qui provoquait ces sauts.

Le monde entier à découvert ce comportement, pourtant observé depuis longtemps par les pêcheurs, chez les grands requins blancs d’Afrique du Sud, à la suite du documentaire Air Jaws, produit par Discovery. La vraie découverte ne fut pas celle de ce comportement en soi, mais le fait de trouver un endroit où il se produisait régulièrement et de trouver la manière de le provoquer artificiellement afin de pouvoir le filmer et l’étudier. C’est ce qui a fait la fortune de Chris Fallows et qui a permis à tous les grands noms de la photo sous marine, de David Doubilet à Amos Nachoum, d’y aller de leur photo de grand blanc en suspension. En 2005, lors du Sardine Run, j’ai pu observer des requins cuivres sautant en dehors de l’eau à raison d’un toutes les 30 secondes pendant 20mn. L’un d’eux a décollé d’au moins un mètre ou deux de la surface à trois mètres de notre zodiac. C’est le fait que les sauts se soient répétés les uns après les autres qui m’a permis, après de longues minutes passée à filmer la surface et les oiseaux qui la transperçaient, de capturer tant bien que mal sur film deux de ces sauts (voir capture vidéo dans l'album "Sardine run 2005"). La présence de nombreuses poches de sardines et l’activité des oiseaux ne laissait planer aucun doute quant à ce qui motivait ces sauts. Il s’agissait évidemment de prédation, comme pour les blancs d’Afrique du Sud. Les requins cuivres fonçaient probablement à travers les poches gueules ouvertes en venant du dessous. Ils traversaient sans doute la surface, emportés par leur élan.

Il se pourraient qu’il en aille de même pour les pèlerins et que la prédation soit aussi ce qui les pousse à sauter. Alors que je plongeais dans le sud de l’Angleterre en juin 2004, on me rapporta une observation unique, non documentée à ma connaissance, où trois requins pèlerins avaient été vus encerclant un petit banc de maquereaux. Le témoin de la scène, un opérateur de plongée local tout ce qu’il y a de plus raisonnable et fiable et qui constitue certainement une des personnes au monde à avoir vu le plus de requins pèlerins dans sa vie, me fit part de sa surprise à la vue de ce comportement étrange de la part de squales qui sont réputés ne se nourrir que de plancton. Au bout de longues minutes passées à frôler les maquereaux pour les obliger à se serrer les uns contre les autres, un des trois pèlerins sauta soudainement en dehors de l’eau pour retomber au beau milieu des maquereaux. Peu après, la surface, à l’endroit où le requin était retombé, pris une teinte légèrement orangée. C’est alors qu’on vit les ailerons des requins traverser cette nappe orange. Notre ami témoin de la scène décida de s’approcher pour voir de quoi il en retournait. Quelle ne fut pas sa surprise de constater que ce qui teintait l’eau était en fait des œufs de maquereaux dont les requins étaient en train de se repaître. Probablement qu’en retombant sur les maquereaux, le requin avait provoqué une réaction de panique chez les femelles pleines qui leur avait fait libérer leurs œufs. Comment les requins pèlerins avaient-ils découvert cette astuce de chasse ? Nul ne le saura jamais. Ce comportement est-il propre à l’ensemble des requins pèlerins de par le monde, je n’en sais rien. Ce qui est clair en revanche, c’est que, dans ce cas au moins, la prédation était la cause du saut. Comme pour le requin cuivre et le requin blanc. Les requins pèlerins ne sautent donc pas pour flamber.