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23/05/2008

Le tour de la question

Ces derniers temps, je me pose parfois cette question angoissante. Ai-je fait le tour de la question des requins. ? Ou plutôt, combien de fois en ai-je fait le tour ? Ne suis-je pas occupé à encercler de manière répétitive et obsessionnelle un sujet qui n’en vaut plus la peine. ? Un sentiment de requin. Une curieuse impression de tourner en rond.


Si la nature complexe de la fascination que nous portons à ces animaux était finalement plus intéressante que ces derniers. Ne se pourrait-il qu’ils ne soient que les victimes de notre imaginaire ?

Leur beauté n’est t-elle pas à mettre en rapport avec la décharge d’adrénaline injustifiée que nous procure leur présence ? L’une n’est-elle pas le résultat de l’autre ?

La réalité des requins est peut être très nettement en dessous de la représentation fantasmatique que nous nous en faisons .

Je tourne en rond.

Et je continuerai, jusqu’à ce que le problème se sente cerné.

15/04/2008

Les requins sont de gauche, mais ça ne se voit pas tout de suite

Contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, les requins penchent à gauche. Pas physiquement, non. Politiquement.

Il y a des choses ou des êtres pour lesquels on ne se pose même pas la question. Les panneaux indicateurs, la corrida, les voitures, Pompidou, les couteaux à huîtres, sont par exemple évidemment des éléments de droite. Même si je m’interroge pour Pompidou.

En revanche et c’est incontestable, les foulards, les cheveux longs, les escaliers, les pavés, les chats, les poulpes, les lunettes rondes, les carnavals et certains anciens amis de Mitterrand sont de gauche.

Il y a des choses que nous savons immédiatement localiser dans notre cartographie politique binaire et d’autres, non. Certaines que nous croyons situer et d’autres où nous nous trompons.

Mais quels sont donc les éléments qui donnent à penser que le requin est de gauche :

- Tout d’abord, il n’arbore pas le sourire trompeur du bonimenteur.
- Il est résigné et il ne s’en cache pas.
- Il est authentique et constant dans son caractère.
- Ensuite, il confie ses enfants directement au Parti. Il ne les éduque pas personnellement, de peur de les corrompre, et laisse plutôt l’Etat les imprégner de sa loi.
- Il est persécuté et stigmatisé.
- Il chasse avec d’autres espèces, il est éclectique.
- Il tolère la différence
- Il n’y en pas en Allemagne.

Voilà, si vous voyez autre chose, n’hésitez pas à me faire signe, cette analyse n’étant pas à 100% scientifique.

11/04/2008

Quelques commentaires sur Sharkwater

Je tiens à commencer ce post par un grand remerciement à Rob Stewart qui a fait plus que n’importe qui pour défendre les requins, voire plus que tous les autres réunis. Si l’on peut discuter la caisse, on ne peut nier la résonance.

Vous l’aurez compris, c’est la partie « Oui » de l’article. Et elle n’est pas finie. Certaines images sont exceptionnelles, d’autres insoutenables, parfois les deux en même temps. Le traitement de l’image (notamment dans les scènes en noir et blanc de la première partie) et la bande son sont magnifiques.

Certains regretteront les scènes du début qui ne font que répéter ce que de si nombreux documentaires ont déjà dit. Peu importe, la visée est pédagogique. On prend les gens là où ils sont pour la plupart et on les emmène par la main un peu plus loin.

Entamons la partie : "Bon!"

Rob Stewart aime bien se voir. Il se met beaucoup en scène. Espérons que ce narcissisme ne cache rien. Espérons que nous ne sommes pas face à un Michael Moore de l’écologie documentée. Une première excuse me vient cependant à l’esprit. Il développe un côté personnel de sa relation de fascination aux requins qui me plaît. Puis une seconde, plus terre à terre : de nos jours, et pour plusieurs raisons qui tiennent aux coûts rapportés aux revenus qu’implique son combat, il a tout intérêt à médiatiser sa personne s’il veut le poursuivre.

Le film devient à mon sens vraiment passionnant à partir du moment où nous entrons, c’est le cas de le dire, dans le vif du sujet. Le massacre organisé. Saluons au passage le courage du réalisateur et de tous les membres du Sea Shepherd, même si je ne partage pas leur avis sur l’efficacité de ces méthodes.

Prenons un exemple que cite Paul Watson lui-même, qui croit que ce sont les individus seuls et l'action violente qui font bouger les choses : Nelson Mandela et la cause noire en Afrique du Sud. Héritier de Gandhi, Mandela n’a jamais vraiment cru, me semble t-il, à la lutte armée que menaient ses condisciples. Ce n’est pas à mon sens qu’il s’y opposait par principe, même si je n’en sais rien, mais j’ai surtout l’impression qu’il ne croyait pas en son efficacité. La lutte armée à surtout permis à certains rebelles de l’ANC de se faire exploser leur propre gueule avec leur propre bombe, tandis que Mandela a fait plier le gouvernement d’abord depuis sa prison, puis par les grèves qui paralysèrent l’économie sud africaine.

Inutile de le souligner, nous entrons dans la partie "mais" de l'article.

Ramenons tout cela aux requins. Si l’action de Paul Watson est utile, car elle contribue certainement à faire peur à certains braconniers, elle semble dérisoire. Je ne crois pas qu’on puisse empêcher de pauvres gens aux quatre coins du monde de tenter de gagner à tout prix cet argent qui leur fait si cruellement défaut. Qu’ils soient exploités par des salauds, aucun doute. Qu’ils soient eux-mêmes coupables, non. Je pense que même si une action de Police comme celle de Paul Watson est nécessaire et devrait être prise en charge au niveau international vue l’urgence de la situation, elle ne peut se faire sans que parallèlement soit mèné le vrai combat, celui qui consiste à faire cesser la demande. C’est aux consommateurs qu’il faut parler. Ce sont eux qui attaquent et mangent les requins. C’est aux gouvernements qu’il faut aussi s’adresser pour faire interdire ce commerce qui ne pèse finalement pas si lourd à l’échelle d’économies comme celles de la Chine et de Taïwan. C'est la demande qui tarira l’offre, comme pour l’ivoire.



Autre chose, puisque je parle du marché asiatique. Le documentaire n’évoque pas l’ensemble des protagonistes de ce carnage planétaire. Ce n’est pas forcément un oubli volontaire, mais assurément une omission malencontreuse. Sachez cependant que de nombreux pays occidentaux, avec une mention spéciale pour l’Espagne et l’Australie (la France est dans le coup aussi), participent activement à fournir le marché asiatique. L’Afrique du Sud elle-même a accordé une quinzaine de licences à des bateaux taïwanais, depuis au moins cinq ans.


Voilà, en conclusion, merci quand même Rob! Ca commence à bouger.

16/02/2008

The rainbow fin

J’entends souvent dire autour de moi que l’environnement est un souci de riche, la mer encore plus, et les requins, qui sont ma passion, je ne vous en parle même pas. Il faudrait, semble t-il, au moins être concerné par le paquet fiscal de Sarkozy pour avoir le droit de s’en soucier. Préoccupation de privilégié.

Le monde serait ainsi divisé en deux : d’un côté Zola, de l’autre le règne naturel. D’un côté le progrès, de l’autre ceux qui ne lisent pas. C’est à cela que l’on réduit hélas bien souvent le débat actuel. Les écolos seraient des débiles à la pensée parcellaire. Personnellement, je n’adhère pas à cette conception primaire. Certes il y a bien deux sortes de personnes, mais elles ne se répartissent pas de cette manière-là. En fait, il y a ceux qui divisent le monde en deux et ceux qui ne le font pas. Ceux qui pensent que l’Homme et la Nature se distinguent et ceux qui ne le pensent pas.

Or le souci écologique et le souci humain ne font pas deux, ils ne font qu’un. L’homme n’est qu’un sous-produit de la Nature. La croissance est une idéologie qui nous menace nous, osbcure sous-partie de la biosphère.

Une chose m’inquiète cependant. Très, très sérieusement d'ailleurs. Il s’agit de notre temps de réaction à nous tous. Nous nous comportons comme si nous avions le temps.

Alors que c’est tout de suite qu’il faut s’y mettre.

La menace qui se dresse face à nous n’est d'ailleurs peut être que le prétexte qu’il nous manquait pour réinventer une société si loin d’être parfaite. Qu'attendons-nous?

It’s an exciting time to be alive !


PS: désolé pour ce post lyrique, mais pas très requinesque

12/01/2008

La femelle du requin

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"De tous ces êtres humains, qui remuent les quatre membres dans ce continent peu ferme, les requins ne font bientôt qu’une omelette sans œufs, et se la partagent d’après la loi du plus fort. »

Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont

18/12/2007

Le requin qui attaquait les kangourous

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Un kangourou en pleine baignade (la photo n'est pas de moi).




Un évènement vient de faire la une de l’actualité marine globale. Un kangourou a été attaqué par un requin et n’a pas survécu à cette attaque. Quoi de tellement surprenant?

Pourquoi tout cela paraîtrait-il anormal ou insolite, puisqu’il y a des requins en Océanie et que les kangourous nagent? Mais voilà, justement, on ignorait tout de la propension aquatique du kangourou. Il y a des animaux improbables que l’on met inconsciemment à l’abri d’un redoublement d’improbable comme une attaque de requin.

Le coupable, je vous le donne en mille : le plus imaginatif des squales, le requin bouledogue, votre nouvel ami. On ne peut vraiment faire confiance qu’à lui pour animer les pages de la Sharkuterie.

Alors pourquoi cette nouvelle étonne t-elle ? Pour son incongruité. Parce qu'on se demande ce que le kangourou foutait là. Comme un top model italien accompagné d’un chef d’état qui visiterait Euro Disney par un dimanche après-midi de Décembre.

04/09/2007

Making of d'une jolie photo de requin

Voici quelques précisions (suite à la photo mise en ligne récemment), sous forme de vidéo, sur la façon de s'y prendre pour faire une jolie photo de requin. Les ingrédients sont les suivants : une mer calme, une bonne visibilité, de longues palmes (éviter le jaune, je ne sais pas pourquoi, mais ils n'aiment pas)) et quelques sardines à placer entre l'appareil et le requin.

Ce jour là, le photographe (qui était très exigeant) ne fut pas satisfait du résultat.




Aliwal Shoal, Afrique du Sud, Juin 2007

24/07/2007

La suppression des filets anti-requins

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En Juin, lors du Sardine run, les filets de protection sont relevés pour éviter un carnage parmi les prédateurs de toutes sortes qui s'approchent inhabituellement de la côte pour suivre les poches de sardines. Plage de Hibberdene, Afrique du Sud, Juin 2007.




Une expérience menée par le Natal Sharks Board est en cours depuis peu en Afrique du Sud qui vise à collecter des informations en vue de supprimer les filets anti-requins et de les remplacer par un autre système appelé « drumline ». Une drumline est une installation qui consiste en une bouée amarrée au fond à laquelle est accroché un hameçon auquel est fixé un appât. Mais comment une ligne pourrait-elles remplacer un filet vous demandez vous? Ceci signifierait qu’il n’y aurait plus de barrière entre les baigneurs et les requins. C’est que vous ignorez le fonctionnement des filets de protection.

Ces filets ne constituent nullement une barrière infranchissable entre la plage et le large. Ils n’ont pas pour but de tenir éloignés les requins des baigneurs, mais tout simplement d’exterminer les spécimens ayant tendance à s’approcher un peu trop près du rivage. Ces filets d’environ 200m de long et six de large, sont généralement installés à 400m du rivage dans des eaux où la profondeur n’excède pas 15m. Parfois, on trouve deux rangées parallèles de filets, d’autres fois le système est complété d’une ou deux drumlines. Toujours est-il que le requin peut passer en dessous ou au dessus du filet. D’ailleurs plus de la moitié des prises sont faites côté plage. J’espère que vous voilà rassurés pour la prochaine fois où vous viendriez à faire trempette sur les plages du Kwazulu Natal !

Pourtant, vous pouvez l’être. Quasiment aucune attaque n’a été observée depuis la pose de ces filets dans les années 1960 (en 1952 pour la plage de Durban qui en comporte 17). Les rares exceptions, dont les plus célèbres furent les 4 attaques de Décembre 1974 sur la plage d’Amamzimtoti,, n’eurent lieu que parce que le système était défaillant et la baignade par conséquent interdite. Deux autres attaques eurent lieu jusqu’à aujourd’hui dans des circonstances que je ne connais pas. Aucune de ces attaques ne fut fatale.

Comment expliquer ces chiffres alors que le système n’est pas totalement « étanche» . Trois explications me viennent à l’esprit. La première, qui est la plus préoccupante, est que les requins qui ont pour habitude de s’approcher de ces plages sont systématiquement éliminés. Une seconde, qui n’est qu’une supposition, est que les requins craignent peut être désormais de s’approcher de ces plages et les évitent. La vue de congénères pris dans les filets les a peut-être amenés à éviter certaines zones. Cousteau ne raconte t-il pas qu’après avoir harponné un requin lors d’une plongée en mer rouge, ses congénères évacuèrent la zone pendant quelques jours, probablement méfiants ? La troisième est que, mis part le grand requin blanc, la plupart des requins potentiellement dangereux s’approchent du bord plutôt de nuit. Ce qui expliquerait les prises côté plage. C’est connu, n’en déplaise à certains, les requins évitent la présence de l’homme.

Le problème que posent ces filets est cependant double. Tout d’abord, ils tuent inutilement beaucoup d’animaux : dauphins, tortues, raies, requins inoffensifs et autres pélagiques. C’est ce que vise à corriger la pose de « drumlines ». En ceci, elle constitue un véritable progrès. Les premières expériences menées montrent qu’elles n’affectent vraiment que les espèces visées, à quelques rares exceptions près. Tout juste observe t-on des prises anormalement élevées de requins sombres. Mais peut être cela tient-il à des facteurs extérieurs ponctuels au moment des essais ou à un défaut du système (appât ?). Ce problème devrait être facilement corrigé selon les experts. Un résultat reste néanmoins troublant. Les drumlines poursuivent l’œuvre entamée par les filets, à savoir l’éradication du requin du Zambèze. Alors même que les filets anti-requins prenaient à l'origine 150 requins de cette espèce par an, ce nombre est tombé de nos jours à 50. Il ne semblerait pas que les drumlines épargnent plus cette espèce.
Ceci s’explique par l’extrême vulnérabilité du requin du Zambèze qui est, parmi les requins visés, celui qui passe le plus de temps au plus près de la côte. Son habitat est directement menacé par l’homme. La seule véritable solution pour protéger cette espèce serait de retirer complètement les systèmes de protection de certaines plages. L’homme ne peut-il sacrifier quelques bains en pleine mer s’il ne peut contrôler sa peur? Ne peut-on construire des piscines, naturelles ou non, qui suffiraient peut être aux baigneurs ?

Et si pour une fois c’était l’homme qui s’adaptait ? D’autant qu’il n’a guère plus de raisons de craindre une attaque avec que sans filet. Il a très peu de chance d’être attaqué en l’absence de filets et il a quand même quelques chances de l’être en leur présence.

It's the mind. C'est dans l'esprit des gens qu'il faudrait placer quelques filets de protection.

20/06/2007

www.sharkuterie.com

Désormais, vous pouvez accéder à ce blog directement par www.sharkuterie.com. Je crois que j'avais oublié de vous le dire. C'est fait.

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12/05/2007

Requin taureau sur Protea Banks

Le requin taureau a une tête à s'être fait péter la gueule. C'est d'ailleurs ce qu'il lui est arrivé. On ne devrait jamais avoir l'air caricaturalement salaud.


15/03/2007

Big bald sun

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"The sun's coming up, like a big bald head... It's sharky's day today... All of life comes from some strange lagoon. It rises up, it bucks up to its full height from a boggy swamp on a foggy night."

Laurie Anderson

26/01/2007

Johnny Lydon des Sex Pistols parle des requins



"Je ne vois pas de grande ruée visant à exterminer 70 millions de toasters"

01/01/2007

Une bonne année et plein de requins

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Les mentalités changent.






Vous êtes de plus en plus nombreux à vous rendre régulièrement à la sharkuterie dont le contenu est variable ou plutôt fluctuant (une fluctuation concerne un liquide et le terme est donc clairement plus approprié à un site s‘intéressant aux requins).

Les choses ont un peu changé cette année. Un peu seulement car le futur prend toujours son temps. Pas de mesures de protection radicales, mais une conscience de plus en plus répandue de toutes les menaces qui planent sur nos amis les élasmobranches. Certains disent qu’il est plus facile de mobiliser autour du requin, qui attise nos peurs, que de certaines grenouilles anonymes, ignorées et pourtant menacées. Certes, mais les fantasmes qui génèrent cette mobilisation sont les mêmes que ceux qui causent la perte de cette espèce. Les pêcheurs au gros qui tentent de résoudre leurs problèmes de bites avec une longue canne à pêche qu’ils calent dans un étui pénien afin de pêcher un animal qu’ils n’oseraient pas affronter dans l’eau, comme les long-liners qui pour fournir le marché asiatique d’aphrodisiaques s’attaquent au même problème à beaucoup plus grande échelle, répondent finalement à la même demande. Qu’il soit capturé par des artisans ou des industriels, le requin est finalement toujours une prise accidentelle.

Et puis les grenouilles… vraiment…

La seule question qui se pose finalement aujourd’hui, leitmotiv de la conscience environnementale actuelle, est « comment ? », et non plus « Pourquoi ? ». Que faut-il faire ? C’est la question à laquelle tentera de s’atteler autant que possible la sharkuterie en 2007 avec toutefois une intuition pessimiste sous-jacente: si les requins s’en sortaient et pas nous. Ils étaient là avant, ne pourraient-ils être là après ?

L’année prochaine, c’est peut-être eux qui nous souhaiteront une bonne année. En même temps, ce n'est pas leur genre.

17/11/2006

Comment les requins ont-ils attaqué les marins de l’USS Indianapolis ?

‘When night came, things would bump against you in the dark or brush against your leg and you would wonder what it was. But honestly, in the entire 110 hours I was in the water I did not see a man attacked by a shark. However, the destroyers that picked up the bodies afterwards found a large number of those bodies. In the report, I read 56 bodies were mutilated, Maybe the sharks were satisfied with the dead. They didn't have to bite the living. »

Lewis L. Haynes, survivor


S’il est une histoire mythique parmi toutes celles qui concernent les requins, c’est celle du naufrage du croiseur américain USS Indianapolis en 1945. Mythique est le terme, puisqu’il s’agit d’une histoire qui a fait l’objet de nombreux récits, le plus célèbre restant sans doute celui qu’en fait Quint, le vieux chasseur de requin des Dents de la Mer, sorte d’Achab du siècle passé. D’après ce dernier, les requins auraient harcelé un à un et sans relâche les marins de l’Indianapolis pendant plusieurs jours, tuant celui-ci, arrachant une jambe à cet autre, le tout au milieu d’une infâme curée que seule l’arrivée bien tardive des secours fit cesser. Quint attribue d’ailleurs toutes les morts postérieures au naufrage aux requins. L’histoire se teinte d’un second niveau de lecture qui la rend encore plus mythique quand on sait que l’USS Indianapolis était sur le chemin du retour après avoir livré la bombe dévastatrice (à plus d’un titre) qui devait tomber quelques jours plus tard sur Hiroshima. La Nature faisait payer de la plus horrible des manières à une poignée d’hommes l’acte d’hybris destructeur de tout un peuple. Le décor était planté.

Les récits de survivants, bien que souvent très discordants entre eux, tracent tout de même les contours d’une histoire qui en bien des points diffère de celle que nous raconte Quint.

Tout d’abord et contrairement à ce qu’on pourrait croire, la première attaque de requin ne survint qu’après un temps d’immersion somme toute fort long. Au moins 14 heures, sans doute plus.
Le naufrage eut lieu le dimanche soir aux alentours de minuit et la première attaque que rapporte un témoin aurait eu lieu le lendemain dans la journée. Pour d’autres rescapés, cela ne commença que ponctuellement, au cours de la nuit suivant le naufrage. D’autres encore s’accordent à dire que les attaques ne commencèrent sérieusement que le mardi.
Il est à noter d’ailleurs qu’il n’était parfois pas possible aux témoins de distinguer clairement si les requins attaquaient un mort ou un vivant. En effet, les requins n’étaient, et de loin, pas la principale cause de tracas parmi les naufragés. Le soleil, le manque d’eau et l’hypothermie faisaient leur travail, quand bien même l’eau était chaude. Probablement que nombre de cas perçus par certains comme des attaques impliquaient des requins qui attaquaient un cadavre flottant en surface.
Une seconde raison qui explique les contradictions entre les témoignages tient à l’éparpillement des naufragés. Environ 900 hommes qui tombent à l’eau ne restent pas, pendant plusieurs jours, parfaitement groupés ensemble. Au contraire, ils s’éparpillent, car les courants ne sont pas uniformes. Ce qu’ont vécu certains groupes n’est pas forcément transposable à ce qu’ont vécu d’autres.

Il est à souligner que les naufragés avaient eu la bonne idée de se rassembler. Ceci eut probablement pour effet d’intimider les requins dans un premier, voire même dans un second temps, puisque quand les requins s’attaquèrent directement à un groupe de marins, ils s’en prirent d’abord à des individus situés à sa périphérie. En revanche, puisqu’une bonne idée en entraîne toujours une mauvaise (le monde étant symétrique), ceux-ci ne purent s’empêcher, suivant les consignes que prodiguaient l’US Navy à l’époque, de battre l’eau de la main pour faire fuir les premiers squales. Erreur. Ceci eut sans doute pour effet d’en attirer d’autres.

A ces battements intempestifs vint s’ajouter le vomi des marins. Un croiseur d’une telle taille qui coule, les cuves pleines, libère une quantité de mazout invraisemblable. Les naufragés qui se débattaient dans cette mélasse et la respiraient en firent les frais. Avalée, elle provoquait un rejet net. Mais la bouffe expulsée pour certains animaux à nageoires, c’est de la bouffe d’occasion. Les petits poisons attirent les moyens, et ces derniers les plus gros. Alors forcément ça aimante les requins.

Apparemment, mais, là encore, les témoignages diffèrent, les attaques, au cours des trois premiers jours, ne furent pas régulières. Selon l’heure du jour, et surtout de la nuit, leur nombre amplifiait. Il semble qu’elles s’intensifiaient en fin de journée et la nuit pour ralentir, voire s’arrêter le jour. En tout cas, jusqu’au troisième jour. Ce comportement semble bien correspondre à celui des deux seules espèces clairement identifiées : le requin tigre et le requin longimanus. Il n’est à ce propos pas à exclure qu’au moins une autre espèce ait pu être présente, qu’il s’agisse du requins soyeux (silkies) ou de l’albimarginatus (silvertips). Le requin tigre, que l’on sait volontiers charognard, fut certainement de ceux qui se nourrirent des cadavres de noyés.

L’idée de cet article n’est pas de minimiser l’enfer qu’ont vécu les marins de l’Indianapolis, mais plutôt de le présenter sous un jour différent -peut-être pire- de celui qu’on connaît habituellement . Trois conclusions s’imposent à la lecture des témoignages existants.

La première est les requins ne se précipitèrent pas agressivement et sans raison sur les marins pour les décimer méthodiquement jusqu’à l’arrivée des secours. Les requins étaient stimulés par des odeurs, par une probable importante présence d’autres poissons, par des vibrations, par des cadavres flottants. Néanmoins, il fallut quand même attendre au moins 14h avant la première attaque et encore, à partir de là, n’attaquèrent-ils pas continuellement. Le requin (même quand il est représenté par deux de ses espèces dites les plus dangereuses) est donc un prédateur bien plus prudent et moins immédiatement dangereux que ses homologues terrestres.

La deuxième conclusion est que l’on surestime peut-être l’importance des requins dans la souffrance des hommes de l’USS Indianapolis. Les témoignages réalistes conduisent à penser que sur les 600 marins environ qui périrent après le naufrage, la mort d’entre 50 et 80 est directement imputable aux requins. Nombreux sont d’ailleurs les témoignages qui ne font qu’effleurer le sujet des attaques. Les hallucinations qui faisaient apercevoir à certains la silhouette de l’épave sous leurs pieds ou une île déserte au loin, les brûlures du soleil, la soif, le froid, la mort des uns et des autres par noyade quand ils avaient le malheur de s’endormir, furent des souffrances au moins aussi pénibles que celles que leur occasionnèrent les requins.

Mais la peur la plus atroce qui habita les rescapés, certains le soulignent, fut celle d’être abandonné. La peur de mourir perdu en mer ; la peur que personne ne vienne vous chercher. Ils soulignent le fait que dans de telles conditions, le vrai courage est de choisir de vivre ou d’essayer. Les requins ne sont qu’une épreuve à supporter parmi toutes celles qui composent ce calvaire.

La troisième conclusion, qui va d’ailleurs dans le même sens que la précédente, est que les requins ont été des boucs émissaires, parmi d’autres, qui ont permis de masquer le fait que l’US Navy ait oublié ses marins pendant quatre jours.

D’ailleurs, je me dis parfois qu’il y a peut être eu des marins de l’USS Indianapolis qui, bien qu’ayant survécu, n’ont pas été retrouvés, qui ont aperçu les secours, qui les ont vus partir, que les requins n’ont même pas daigné attaquer et qui sont morts de froid et de désespoir au milieu d’une mer chaude. Abandonnés.
Ceux-là ont peut-être connu le pire du pire.

03/11/2006

Les requins sont-ils parfois pris de frénésie ?

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Un rassemblement beaucoup moins désorganisé qu'il n'y paraît. (Walker's Cay, Bahamas, Mars 2002)




On entend souvent parler de comportement frénétiques à propos des requins. Les anglo-saxons utilisent d’ailleurs le terme de « shark frenzy » pour désigner un rassemblement anarchique d’une ou plusieurs espèces, que ce soit autour d’une carcasse de baleines, d’un banc de calmars ou de toute autre source de nourriture abondante et facile. Les requins entreraient alors dans un état d’excitation frôlant la transe, sous l’effet d’une profusion de nourriture et d’odeurs diffuses. Des humains auraient d’ailleurs fait les frais d’un tel comportement lors de naufrages restés tristement célèbre dans les annales, comme celui de l’Indianapolis à la fin de la seconde guerre mondiale (que j’analyserai dans un prochain article). On pensait même, jusqu’à une époque pas si lointaine, que les squales pouvaient aller jusqu’à s’entre dévorer dans de telles situations. L’observation de ce comportement a largement contribué à construire la réputation de tueur imbécile et aveugle qui colle encore trop souvent à la peau rugueuse des requins.

Les requins, stimulés et en groupe, adoptent-ils cependant dans de telles occasions un comportement véritablement frénétique? Pas plus, voire moins, qu’un large groupe d’humains à l’occasion d’un cocktail. La peur de manquer génère souvent le désordre. Les mangeurs de petits fours en sont la preuve. C’est ce que je m’en vais tenter de vous démontrer.

Il m’a été donné d’assister au moins trois fois à de telles situations, dites de frénésie. Les deux premières artificiellement stimulées, notamment lors d’un « shark feeding »aux Bahamas, la troisième naturelle, lors du Sardine Run en Afrique du Sud .

Le « shark feeding » auquel il m’a été donné d’assister à Walker’s Cay (qui d’après ce qu’on m’a dit récemment ne serait plus pratiqué en cet endroit) et qu’on nommait « Shark Rodeo » (tout un programme !), n’avait rien de tout ce que cette sémantique peut laisser imaginer. Ce qui m’avait frappé alors, c’était le caractère discipliné des squales. Une ou deux fois par semaine, les propriétaires du centre de plongée remplissaient une poubelle de restes de poissons qu’ils mettaient au congélateur, un crochet métallique placé au centre. Une fois sur le site du feeding, on attachait une corde au crochet et on descendait le contenu de la poubelle ou « chumsicle » dans l’eau, tout en le maintenant à peu près stationnaire au moyen d’une amarre posée au fond. L’opération attirait environ une soixantaine de requins ainsi que d’autres poissons de récifs (mérous, fusiliers). Il s’agissait essentiellement de requins des caraïbes, de requins de récifs à pointes noires et de requins nourrices. Il est d’ailleurs à noter que ce sont quelques gros requins nourrices qui dominaient le groupe. On m’a dit que ce shark feeding avait, dans le passé, attiré jusqu’à 150 requins et que les espèces représentées avaient inclues, épisodiquement, des requins bouledogues, des requins tigres et même parfois un grand requin marteau. Les requins tournaient en rond ou plutôt en une spirale ascendante, prenaient une bouchée de poissons en voie de décongélation leur tour venu, puis repartaient faire la queue. Tout cela paraissait très organisé et rappelait un carrousel. Il ne manquait que la musique.

Il n’y eut qu’un seul moment de légère agitation, à la fin quand la boule d’appât devenue trop petite se détacha du crochet, entraînant trois ou quatre requins qui se la disputaient dans une brève course poursuite. Quelques instants plus tard, ces quelques « agités » se remirent à tourner bien sagement au fond. On était loin de la frénésie qu’on m’avait décrite. Je mis cela sur le compte de l‘habitude. Rompus à cette exercice bi-hebdomadaire, les requins s’étaient progressivement disciplinés. La routine quoi ! Artificiellement stimulée et régulièrement répétée, la frénésie s’était estompée, me disais-je. Nous avions donc plutôt affaire à un embouteillage bien géré qu’à un dangereux chaos.

En allait-il de même dans la Nature, dans une situation par définition inédite. J’obtins la réponse à cette question lors du Sardine Run 2005 où j’assistais par deux fois à ce qui, vu de la surface, pouvait s’apparenter à une mêlée désorganisée. Ce n’est que la deuxième fois, la visibilité autorisant une mise à l’eau sans danger, que je pus voir de quoi il en retournait vraiment.

Comme souvent lors du Sardine Run, un groupe de dauphins communs avait réussi à isoler et à bloquer contre la surface une poche de sardine. Les anglo-saxons nomment cela une « baitball » ou boule d’appât. Des requins cuivres et des requins sombres se firent rapidement de plus en plus nombreux, leur queue fouettant la surface avec ce qui aurait pu s’apparenter à de la rage.
Vues de sous l’eau les choses m’apparurent sous un tout autre jour. Certes les requins se déplaçaient plus vite qu’aux Bahamas et la présence de dauphins ainsi que d’une nuée d’oiseaux de mer conférait à la scène une atmosphère de folie, mais à y regarder de plus près il me semblait reconnaître une discipline… deviner une organisation. Je descendis en apnée de quelques mètres (la visibilité n’étant que de sept ou huit) pour m’apercevoir que les requins semblaient tourner en rond sous la boule de sardines, pour remonter chacun à leur tour en spirale. Comme aux Bahamas. Arrivés en haut il traversaient gueule ouverte la masse compacte de sardines puis redescendaient vers le fond pour reprendre leur tour.

Peu à peu, la présence de gros requins sombres (environ 3m50) sembla décourager les requins cuivres et les dauphins de s’approcher de trop près, mais la discipline sembla rester la même entre requins sombres. Le seul moment de relative désorganisation ne survint, là encore, qu’à la toute fin, quand les derniers requins se disputèrent les restes du festin. Et encore, je ne puis l’affirmer avec certitude, la prudence (et le début d’inondation de mon caisson) m’ayant fait regagner le zodiac. La Nature ne changeait pas les choses, tout au plus leur vitesse d’exécution, sardines vivantes et courant obligent.

D’où vient, du coup, ce mythe de la frénésie : de perceptions partielles sans doute, renforcées par quelques observations mal interprétées. Vu de la surface, on n’assiste bien souvent qu’à un festival d’éclaboussures qui semble désordonné, sans percevoir ce qui se joue vraiment en dessous. De surcroît, dans certains cas, comme la prédation sur une baleine morte, le requin, alors qu’il mord, semble pris de soubresauts qui agitent l’ensemble de son corps comme des spasmes incontrôlés. Il paraît « possédé ». Quand on connaît la position de la mâchoire inférieure de la plupart des requins et la nature de leur dentition, on comprend qu’il n’en est rien. Le requin est obligé de cisailler les morceaux de chair de cette façon, ce qui explique les mouvements de sa tête qui se répercutent sur l’ensemble du corps. Les dents du requins ne coupent pas, elles déchirent.

Un autre comportement explique également ce mythe de la frénésie. Lors des premières observations sous-marines de « frénésie », notamment celles filmées par Cousteau lors de son expédition sur les requins, les plongeurs, qui avaient méticuleusement appâté sur le site de tournage pour s’assurer la présence abondante de requins, descendaient ensuite parmi ces derniers dans des cages métalliques, des sacs remplis de poissons à la main. Le comportement qu’ils observaient souvent était celui de requins qui se mettaient « frénétiquement » à attaquer la cage et à en mordre les barreaux. Ils en conclurent que les requins, dans un état second, en venaient à faire et à mordre n’importe quoi.

Il y a une part de vérité là dedans, à ceci près que sont les plongeurs, acteurs qui se croyaient observateurs, qui en étaient la cause. Le requin grâce à ses ampoules de Lorenzini capte à courte distance le moindre champ électrique. Or les barreaux d’une cage constituent une concentration de métal qui n’existe pas à l’état naturel. Un surstimulus. Pas étonnant donc que confronté à une telle concentration, le requin disjoncte et morde la cage. A fortiori quand de celle-ci s’échappe une forte odeur de poissons morts. Les requins associaient donc naturellement et étroitement (à juste titre d’ailleurs) la nourriture, la cage et les plongeurs, identifiant probablement ces deux derniers comme des concurrents directs. Ceci explique leur agressivité. Enfermez donc deux personnes en train de manger une bonne entrecôte frites assis dans une cage en chocolat, placez la cage au milieu d’un groupe de personnes affamés et observez ce qui passera !
Un point intéressant à noter, les requins, que l’on voit sur certains films et clichés attaquer lors de « shark feeding » les plongeurs vêtus de côtes de maille qui les nourrissent, le font pour les mêmes raisons que ceux qui attaquent les cages. Ceci ne démontre en rien leur agressivité. Deux causes évidentes : le plongeur tient la nourriture en main et il vêtu d’une armure de métal. Cela même qui est censé le protéger -son armure- est en fait la cause partielle de l’attaque. Pour le reste, il est dans le même cas qu’un pêcheur sous-marin qui tient un poisson à la main en présence de requin : un concurrent à écarter.

Je voudrais terminer cet article un peu long par une note pratique : dans quelle condition peut-on s’approcher d’un groupe de requins en situation de soi-disant frénésie ?

Il semble tout d’abord essentiel de ne pas être la cause de cette frénésie, tout du moins dans l’esprit des requins. Ainsi, lors du Shark Rodeo bahaméen dont je parlais au début de cet article, les plongeurs prenaient d’abord place en arc-de-cercle au fond et ce n’est que plusieurs minutes après qu’ils aient quitté le bateau, que l’on faisait descendre la boule d’appât. Les requins n’associaient donc pas les plongeurs avec la nourriture, parce que ceux-ci ne les nourrissaient pas directement et qu’ils n’entraient pas dans l’eau au même moment que l’appât. Tout au plus les requins devaient-ils les prendre pour une autre espèce, également attirée par ce repas facile. Ce qui nous amène au deuxième point.
Il ne faut pas non plus que le requin prenne le plongeur pour un concurrent qui risque de lui disputer son repas. Pour cela, il est impératif de ne pas se trouver à proximité de la source de nourriture, ou même à l’intérieur de celle-ci dans le cas du Sardine Run. Il vaut également mieux éviter de se trouver dans le champ odoriférant que colporte le courant. Pour cela, il faut à tout prix éviter de se trouver à contre-courant de l'appât et se méfier particulièrement si le courant n'est pas franc. C’est en cela que le Shark Rodeo de Walker’s cay était bien pensé, donc très sûr. Les restes de poissons, étant congelés, ne s’éparpillaient pas dans l’eau autour des plongeurs/spectateurs. Pas de confusion possible pour les requins.
Dernière chose : éviter si possible de se trouver dans l’eau une fois la source de nourriture disparue. Les senteurs flottent et se diffusent dans l’eau sans qu’il n’y ait plus vraiment de source clairement identifiable. Et surtout, il n’y a plus rien à manger ! Il vaut mieux, si c’est possible, sortir de l’eau à ce moment là, où s'abstenir de s’agiter en surface.

Les requins ne sont pas nerveux, ce qui ne veut pas dire qu’il ne peuvent pas s’énerver. Et quand on s’énerve, c’est bien connu, on fait des bêtises !