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07/08/2006

Des requins bouledogue en Angleterre ?

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Même à travers l'eau pourtant cristalline de Walker's Cay et à trois mètres au dessus de la surface, il n'est pas facile de remarquer le museau arrondi de chacun de ces requins bouledogues.

Un requin bouledogue aurait été aperçu au cours de l’été 2005 par un surfeur à Sennen Cove, au sud de l’Angleterre. Ce dernier, familier des requins d’après le reportage de la BBC, aurait distinctement reconnu, assis sur sa planche, la silhouette caractéristique d’un requin bouledogue au corps sombre et massif et au museau arrondi. Si cette observation venait à être confirmée, il s’agirait de la première observation d’un requin de cette espèce en Angleterre.

Certes la température de l’eau, autour de 19°c maximum au mois d’août sur la côte du Cornwall, rend la chose envisageable. On a bien capturé un bouledogue au nord de l’île sud de la Nouvelle Zélande récemment. Or la température de l’eau en été peut y atteindre 20°c maximum. 19°c constitue donc sans doute la température minimale autour de laquelle on trouve encore le bouledogue.

Néanmoins, la chose semble peu probable. On voit mal pourquoi un bouledogue, espèce relativement sédentaire pour un grand requin, aurait soudainement remonté les côtes africaines vers l’Europe. La réponse à la question se trouve probablement plutôt du côté du surfeur. Il paraît impossible, sauf éventuellement à un spécialiste dont le nombre au monde se compte sur les doigts de deux mains, d’identifier à coup sûr un requin bouledogue au ras de l’eau, comme peut l’être un surfeur, de surcroît à travers le clapotis. Le museau arrondi semble le détail de trop. La livrée sombre ne prouve rien, tout comme le côté massif. Il pouvait tout autant s’agir d’un petit requin pèlerin ou d’un requin taupe commun qui aurait suivi quelques proies en eau peu profonde, la première éventualité étant de loin la plus probable.

Curieuse coïncidence, cette observation intervient alors même qu’on n’a jamais autant parlé du bouledogue que depuis quatre ou cinq ans. On lui reproche tous les maux et on l’accable après coup de tous les crimes non résolus. Les surfeurs en on fait leur principale hantise.

A cela viennent se rajouter deux autres raisons qui expliquent cette hallucination. La première est à chercher autour de la thématique du réchauffement climatique. Il est vrai que les côtes anglaises ont vu leur température monter de plus de 1,5° au cours des dernières années. Les anglais s’attendent donc qu’à tout moment de nouvelles espèces fassent leur apparition. Ou l’espèrent-ils ? Il est vrai que le réchauffement devrait provoquer des changements. Ce qui nous conduit à la dernière raison. Il ne se passe pas grand-chose sur les côtes anglaises. On aimerait bien que ça change. Il n’y a pas grand-chose à voir entre la roussette et le requin pèlerin… quand on a beaucoup de chance. Les surfeurs anglais qui se caillent sur leur planche au milieu de la grisaille et des vagues intermittentes ont le temps d’y penser. C’est alors qu’ils s’inventent des requins tropicaux pour tromper la pluie.

30/07/2006

Forward emotion

"A relationship, I think, is like a shark, you know? It has to constantly move forward or it dies."

Woody Allen

Le mouvement est l'oxygène des sentiments.

06/06/2006

D'en haut

A tous ceux qui regardent la mer d’un bateau, la surface apparaît comme une frontière sans poste, voûte plus ou moins céleste et d’autant plus mystérieuse qu’ils la regardent d’en haut. Ils ne peuvent s’empêcher de se considérer comme des dieux, vivant au-delà du ciel, contemplant la surface comme une frontière infranchissable. Leurs fils de pêche articuleraient, s’ils y croyaient, des marionnettes situées de l’autre côté de cette fenêtre qui sont pour les habitants d’en bas un miroir désespérant.

Emportés par leur propension à l’analogie, ils en viennent naturellement à penser que la surface, étant un plancher pour eux, doit nécessairement être un ciel pour les autres. Ceux d'en bas. La parenté entre les habitants de la surface et ceux des cimes serait si évidente que vous ne me croiriez pas. Un Longimanus ne possède t-il pas des nageoires dont l’assise rappelle celle d’un F-16?

Un aileron de requin qui dépasse n'est qu'une moitié, une moitié de ce que nous ne voyons pas mais qui nous fait peur. Quand même, un peu.

Un homme qui nage pourrait facilement et imperceptiblement opérer un renversement mental semblable. Il lui suffirait de regarder vers le fond tout en se croyant en dessous.

Son tuba aspirerait de l'eau et il se sentirait bien.

28/05/2006

Steak de requin : plat d'un jour



Il faut toujours commencer par balayer devant sa propre porte a t-on coutume de dire. C’est ce que je m’en vais faire dans cette note. Après avoir maudit depuis des années les cantonais qui ont eu la mauvaise idée de transmettre le virus de la soupe aux ailerons de requin à l’ensemble de la chine nouvellement capitaliste, quelle ne fut pas ma stupéfaction de constater, l’autre jour, dans un restaurant de la capitale où je dînais avec une amie, que du requin était au menu, sous forme de steak. Sur le moment, bien qu’un peu surpris, je mis cela sur le compte d’une volonté d’exotisme un peu déplacée. Il s’agissait d’un restaurant un peu branché de la rue des vinaigriers, dans le premier arrondissement de Paris, et je pensais le problème relativement circonscrit. J’avais déjà connu des restaurants à destination des touristes, en Afrique du Sud, qui proposaient du crocodile au menu, sans que le phénomène ne s’étende. Je commis l’erreur de croire qu’il en allait de même et ne fit même pas de remarque au restaurateur pour ne pas indisposer mon amie qui était une habituée. Il faudra que je retourne leur parler.

Ce que je prenais pour un cas isolé n’en était pas. Aujourd’hui même, dans le 10ème arrondissement, rue d’Hauteville, j’ai remarqué un bar-restaurant d’allure modeste, peuplé d’alcooliques encastrés dans le bar, baigné d'une odeur de cafard, de formica et de crême de cassis, qui proposait lui aussi du steak de requin comme plat du jour. Comme plat du jour ! Le mal s’étend. L’exception n’en était donc pas une.

Je ne reviendrais pas sur les faibles vertus culinaires du requin, pour avoir déjà couvert ce sujet dans une précédente note, car ce n’est pas le problème. Il ne nous viendrait pas à l’idée de manger du léopard aux champignons, même si c’était délicieux. Ce qui me paraît le plus grave avec cette nouvelle arrivée du requin sur nos tables, c’est ce qu’elle signifie. Devant l’interdiction progressive du « finning » (technique qui consiste à sectionner les ailerons et à rejeter le requin amputé par dessus bord), les pêcheries, désormais progressivement contraintes de garder le requin entier à bord, tentent de commercialiser le reste de l’animal. On cherche à créer un nouveau marché. On multiplie les causes d’un massacre d’autant plus stupide que l’exploitation du requin n’est absolument pas « durable ». Dans toutes les zones ou le requin a été surexploité, les volumes de prises se sont rapidement écroulés et les pêcheries ont dû fermer.

Il faut de toute urgence s’insurger contre ce nouveau marché de viande de requin. Les chinois seront suffisamment difficiles à faire évoluer sans qu’on ne crée un deuxième front. Il n’y a sûrement pas chez ces restaurateurs de volonté de nuire, tout simplement un manque d’information. Idem pour les clients. Il convient de rapidement les sensibiliser à ce qu’il sont en train de faire afin qu’ils retirent le requin de leur menu. A ce rythme, on va finir par nous proposer de la confiture de kangourou.

Je compte sur vous.

00:45 Publié dans Requinisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Animaux

22/05/2006

Le jour où plus aucun aileron ne dépassera


Ce jeune garçon fera t-il parti de la dernière génération à avoir vu un grand requin blanc en chair et en cartilage. Dyer island (Afrique du Sud), Juillet 2005.

Une étude menée par l’université de Dalhousie au Canada montre que les populations de requins de l’Atlantique Nord sont en déclin grave et auraient chuté de 50% en moyenne au cours des 15 dernières années. Pour certaines, nous ne sommes pas loin du point de non-retour. Ces études sont basées sur des taux de captures d’animaux marqués, mais aussi sur les quantités de requins pêchés par la flotte canadienne.

La situation varie sans doute selon les espèces. Ainsi le requin bleu, communément appelé peau bleue en France, résiste t-il probablement mieux, car sa maturité sexuelle est atteinte plus tôt que d’autres espèces et le nombre de petits qu’une femelle peut mettre au monde chaque année, autour de 50, est élevé pour un requin. Reste qu’on en aperçoit de moins en moins en Atlantique Est, sur les côtés anglaises (quatre ou cinq spécimens sont observés chaque année autour de l’île de Scilly), sans même parler des côtes bretonnes où il a quasiment disparu. Dans le cas du requin taupe commun, la situation est catastrophique. Pour le requin marteau hallicorne, qui a le malheur de se déplacer en immense groupe, la situation est elle aussi plus que préoccupante. 90% de baisse des prises ! Que dire du requin blanc dont les femelles n’atteignent la maturité sexuelle qu’autour de 4m50 et dont on pense que les livrées ne dépassent guère les 8 individus, même si là encore on ne sait pas grand chose. D’après cette étude, on ne l’observe plus sur au moins deux zones de pêche dans l’Atlantique Nord Ouest.

Une grande partie du problème vient de là : on ne sait pas grand chose et personne n’a vraiment intérêt à ce que ça change. Pas plus les pêcheurs professionnels que les pêcheurs dits« sportifs » pour lesquels la rareté du trophée fait sa valeur. Or le requin, situé en haut de la chaîne alimentaire, n’est pas censé subir à ce point le poids d’une quelconque prédation. Son cycle de reproduction, adapté à sa position sur cette chaîne alimentaire, est lent. Comment cette espèce pourra t-elle soutenir durablement une ponction de 150 millions d’individus par années, chiffre d’ailleurs tout à fait fantaisiste, qui traduit notre ignorance totale en la matière. On parle parfois de 100 ou de 200 millions de requins capturés chaque année. Du simple au double. C’est dire si l'on est au courant ! Nous ne faisons qu’extrapoler à partir de données en matière de tonnage qui ne sont elles mêmes pas fiables. Nous ne possédons pas de chiffre. Nous ne savons pas inventorier les populations. Nous opérons des ponctions sans même savoir la part qu’elles représentent. Une richesse disparaît devant nos yeux, sans même que nous ne le sachions. Au moins, quand les grands animaux ont commencé à se faire plus rares sur les grandes plaines africaines en a t-on pris conscience, même si ce fut un peu tard. Ce coup-ci rien, ou presque.

Pourquoi personne ne réagit-il ? La réponse est simple. Certains ne voient pas le problème, d’autres ne veulent pas le voir et d’autres encore, les pires peut-être, qui aiment hiérarchiser les choses de façon exclusive, pensent qu’il est presque malsain de s’autoriser le luxe de s’intéresser à ces animaux quand il y aurait bien d’autres problèmes plus importants à résoudre. Comme s'il fallait choisir. Ce sont toujours les mêmes qui trouvent de bonnes raisons de ne rien faire.
Bizarrement, et contrairement à ce qu’ils croient, beaucoup de choses se jouent avec la disparition des requins et notamment notre capacité à gérer ensemble à l’échelle mondiale des ressources communes. C’est pourquoi il y a lieu d’être pessimiste.

En effet, contrairement à ce que croient certains, nous ne nous en tirerons pas en reproduisant ce que nous avons fait sur la terre ferme. Quelques réserves marines ne garantiront pas la survie des espèces. Celles qui existent aujourd’hui, comme à Aliwal shoal en Afrique du Sud, montrent l’inadaptation d’une telle méthode. Les pêcheurs qui contrairement à d’autres endroits du globe respectent au moins la loi, se postent en périphérie du périmètre protégé, bien trop réduit pour des pélagiques, et capturent tout autant de pièces qu’ils le faisaient avant que la réserve n’existe. Les requins ne détectent pas les frontières virtuelles et leur terrain de chasse est hélas bien plus étendu que celui des grands prédateurs terrestres. Un lion possède en moyenne un territoire de 200km2 quant un requin plutôt sédentaire comme le requin bouledogue se déplace sur un périmètre d’au moins 150 kilomètres de long. En admettant qu’il fasse environ 20 ou 30 kms de large, ce qui ne constitue pas une hypothèse exagérée, son territoire serait de 4500km2. Pas mal pour un sédentaire. Les réserves ne servent donc qu’à protéger la faune des récifs. Pour protéger une animal marin, il ne faut pas protéger l’espace qu’il ne fait que traverser, mais l’animal lui-même. C’est ce qu’on a fait pour le grand requin blanc, c’est ce qu’on commence à faire en certains endroits pour le requin pèlerin ou le requin taureau, mais ceci n’empêche pas les captures accidentelles. Or ce n’est qu’en remontant l’animal mort ou presque qu’on découvre son identité. La pêche est une chasse où l’on tire dans le tas sans aucun discernement.

Car bien souvent le requin disparaît alors qu’il n’est pas même visé. Un dommage collatéral en quelque sorte. En effet, notre manière d’envisager l’exploitation des ressources des océans est placée sous le signe de la dilapidation. Les chalutages de fond génèrent ainsi des pourcentages de « déchets » impressionnants. On détruit des forêts entières avec leurs arbres et leur faune pour ne garder que quelques lapins. Les filets dérivants et les longues lignes constellées d’hameçons s’occupent des animaux de pleine eau. On tend d’immenses toiles d’araignées dans le ciel pour ne consommer que quelques mouches. C’est à notre façon de pêcher qu’il faudrait s’attaquer. Peut-être pourrait-on éviter certains types de pêches, dans certaines zones, à certains moments, connus de tous, qui sont des moments de migrations pour les requins, mais il faudrait pour cela pouvoir se coordonner, s’entendre. Autant dire une montagne.

Alors, que faire ? Certes poursuivre les combats que l’on vient d’évoquer, notamment celui contre les filets dérivants, mais aussi et surtout convaincre de l’inutilité de la pêche au requin. Il n’y a encore pas si longtemps, le requin était négligé. En effet, sa chair ne présente pas d’intérêt culinaire particulier et ne sert vraiment que dans les Fish and Chips, plat dont la culture culinaire mondiale pourrait fort aisément se passer. Jusqu’à récemment, quelques dizaines d’années à peine, seul son foie riche en vitamine A était considéré comme revêtant un quelconque intérêt. Ses ailerons étaient bien utilisés comme base d’une soupe dans la région de Canton, mais ce plat était jugé élitiste et banni par le gouvernement de Pékin. Ce n’est que vers la fin des années 80 avec l’ouverture de la Chine et sous l’influence est asiatique que la soupe aux ailerons de requins devint aussi prisée, notamment lors de banquets et de mariages. Or l’aileron de requin n’a aucun goût, on le mélange d’ailleurs dans cette soupe à un jus qui combine poulet et jambon et qu’il sert surtout à absorber. Selon la médecine chinoise, la soupe aux ailerons de requin, riche en protéines, aurait des vertus tonifiantes et aiderait la croissance du cartilage, mais d’un point de vue scientifique, on s’accorde à dire que le requin a peu de valeur nutritionnelle. Il se pourrait même que les fortes concentrations en mercure que contiennent les ailerons puissent à terme s’avérer dangereuses pour l’homme. C’est connu, plus un animal se situe haut dans la chaîne alimentaire, plus il pâtit des pollutions qui touchent celle-ci dans son ensemble.
Il est peut-être encore temps de sensibiliser ces populations pour qu’elles se défassent de cette coutume somme toute récente et dénuée d’intérêt culinaire ou médicinal. Tout comportement déviant d’une population de plus d’un milliard d’habitants créera systématiquement des déséquilibres voire des catastrophes. Le requin n’est qu’un exemple parmi d’autres à venir. Sa consommation est irrationnelle. Comme pour le rhinocéros, on veut s’attribuer les vertus fantasmées de l’animal en l’ingérant. Encore une fois, le requin meurt pour l’idée qu’on s’en fait.

Tous autant que nous sommes, français et espagnols, sud-africains et australiens, alimentons le marché asiatique, soit en vendant directement sur ces marchés, soit en autorisant les long liners taïwanais dans nos eaux. Nous sommes tout aussi responsables. Serons-nous collectivement capables de mettre un terme à un règne de 170 millions d’années sur les océans du globe ?

Quand le requin aura complètement disparu, nous ne le saurons même pas. Dans un monde où plus aucun aileron ne dépassera, il continuera de hanter nos rêves et demeurera à titre de possible, caché sous la surface. Alors seulement, il pourra n’être plus que cette fiction à laquelle nous l’aurons réduit.

Nous ne nous déferons pas de la peur de mourir en supprimant le requin, mais sans doute nous éloignerons nous un peu plus de la vie.

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27/04/2006

Les requins nous prennent-ils vraiment pour des phoques ?

Pour qui ce jeune reporter de la télévision suisse prenait-il ce requin blanc? Pour un animal de cirque sans doute.
Geyser Rock (Afrique du Sud), juillet 2005


Parmi les idées reçues que l’on entend souvent depuis quelques années revient souvent celle selon laquelle les requins, dotés d’une mauvaise vue, nous confondraient, selon les cas avec des phoques ou avec des tortues, ce qui expliquerait bon nombre d’attaques.

Vu du dessous, un plongeur avec ses palmes et sa combinaison pourrait être mépris pour un phoque et un surfer et sa planche pour une tortue. L’espèce de requin à laquelle on fait référence n’est le plus souvent pas spécifiée, mais on peut supposer que les principaux concernés sont le requin blanc et le requin tigre, grands amateurs de phoques et de tortues

Il y a certainement là encore une forme d’anthropomorphisme. En effet, ne surestime t-on pas l’importance de la vue chez le requin en partant du principe qu’elle pourrait être le facteur déclenchant d’une attaque ? Joue t-elle vraiment un rôle prépondérant pour le requin tigre qui attaque parfois de nuit. C’est peut-être surtout de notre point de vue, en se fondant sur le rôle qu’elle joue chez nous, que la vision oculaire nous paraît aussi importante.

Deux éléments portent pourtant à croire que le requin tigre n’attaque pas le surfer parce qu’il se méprend. Tout d’abord, le fait que le requin tigre est probablement parmi les requins celui dont le menu est le plus varié. Le contenu de son estomac est d’ailleurs souvent assimilé à celui d’un catalogue d’objets insolites. N’y a t-on pas déjà retrouvé une plaque d’immatriculation qu’on ne voit pas bien avec quel animal marin il aurait pu confondre. La seconde raison tient au fait que le requin tigre est un requin qui « goûte » ses proies en les mordant. Là où d’autre se contentent de se frotter à elle ou de les cogner pour « voir » de quoi il s’agit, le requin tigre analyse la texture de l’objet avec sa bouche. Ce que nous percevons comme une attaque n’est ainsi bien souvent du point de vue du requin qu’une recherche d’identité.

De ces raisons, on peut déduire que le requin tigre est un prédateur opportuniste et curieux, ouvert à de nouvelles saveurs qu’il juge sur pièce. Deux bonnes raisons de se méfier du requin tigre qui n’ont rien à voir avec le fait de ressembler à une tortue. Surfer rassurez-vous, votre nouvelle combinaison imitation carapace ne vous mettra donc pas plus en danger qu’une autre ! En revanche, n’oublions pas que le surf est probablement le sport aquatique dont les pratiquants passent le plus de temps dans l’eau. Ce sont peut-être ceux qui ont le plus de chance, même si ces dernières restent infimes, de rencontrer ce chasseur opportuniste et parfois avide de nouveauté qu’est le requin tigre.

Le cas du requin blanc est un peu différent. On sait que la vue joue un rôle plus important chez ce dernier que chez le tigre. Il est souvent observé pointant le museau au-dessus de la surface, comme pour faire un tour d’horizon. Son grand œil noir est légendaire et d’ailleurs, il n’attaque pas, à ma connaissance de nuit. Ceci ne veut pas forcément dire que la vue constitue le seul sens jouant un rôle important lorsqu’il chasse. En effet, quand on connaît l’acuité de ses autres sens on peut supposer que ces derniers se combinent pour donner une image assez précise de l’animal attaqué. La forme n’est d’ailleurs sans doute pas la seule donnée. Les mouvements dans l’eau, la vitesse de déplacement sont sûrement aussi, « voire » plus important. Son cerveau, tout entier consacré à percevoir le plus précisément possible l’image présente, ne prend certainement pas les vessies pour des lanternes. On ne survit pas 180 millions d’années en commettant de pareilles bourdes.

Certes il arrive au grand requin blanc de commettre des erreurs, mais elle ne sont pas si grossières que cela. On arrive à le faire sauter en dehors de l’eau en traînant un mannequin de polystyrène en forme de jeune otarie derrière un bateau, mais la ressemblance est, dans ce cas, beaucoup plus évidente et la méprise excusable. La fausse otarie, tractée par le bateau, se déplace de surcroît à une vitesse qui rend le subterfuge crédible. Il n’en va pas de même pour un plongeur ou pour un baigneur dont la silhouette, la vitesse et les mouvements diffèrent de ceux de l’otarie.

Mais alors pourquoi le requin blanc attaque-t-il, si l’homme ne fait pas partie de son menu et qu’il ne se méprend pas ? Plusieurs explications me viennent à l’esprit. Tout d’abord, tout comme le requin tigre, il arrive au requin blanc de « goûter » avec la bouche un objet inconnu. Après avoir longtemps tourné, il tâte généralement l’appât ? Vue la taille et la dentition du grand blanc, cette séance de dégustation est généralement assimilée à une attaque. C’est ce qui s’est produit au large du Chili, il y a une dizaine d’années. Un grand blanc, aperçu en surface juste avant l’attaque, s’est emparé de la jambe d’une jeune plongeuse qui se détendait en surface. Or d’ordinaire, le grand blanc chasse toujours à l’affût, maraudant en profondeur avant de déclencher une attaque soudaine. Pour le requin, il ne s’agissait donc certainement pas d’une attaque, plutôt d’une exploration, aussi terribles que puissent être les conséquences eût égard à la taille de l’animal.

Deux autres facteurs peuvent également constituer des pistes d’explications. Il arrive peut-être au grand blanc de s’entraîner à la chasse, comme les jeunes félins le font parfois. On le constate aux pingouins morts que l’on retrouve parfois en surface dans les eaux qui entourent Dyer Island en Afrique du Sud. Les grands blancs tuent les pingouins, mais ne les consomment pas. Or il ne paraît pas concevable qu’ils les prennent pour des otaries, vue leur taille.
Il est intéressant de noter à cet égard que les grands blancs que l’on trouve autour de Dyer Island dépassent rarement les 4m50, grand maximum, alors même qu’on a aperçu des individus dépassant les 6m dans les environs. L’explication la plus plausible est que le menu du requin blanc varie au cours de sa vie. Vient un temps où en grandissant, il abandonne sans doute le régime otarie entamé à l’adolescence pour s’ouvrir à de nouvelles sources de nourritures. Ces changements de régimes nécessitent certainement des périodes d’apprentissage qui expliquent peut-être certains comportements atypiques, tout à fait exceptionnels.

En effet, les attaques dont nous parlons ici sont rarissimes comparées au nombre d’occasions probables où un requin blanc détecte la présence d’un humain (sans que l’inverse ne soit vrai) et passe son chemin. La plupart des requins tigres et des grands blancs ne nous prennent donc certainement ni pour des phoques, ni pour des tortues, mais nous, dans notre immense majorité, pour qui les prenons-nous ?

22:40 Publié dans Requineries | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Animaux

21/04/2006

Dans quelles circonstances le requin bouledogue risque t-il d’attaquer ?

Ma femme en compagnie d'un requin bouledogue à Walker's Cay, à l'endroit même où le Dr Ritter connut son accident une semaine plus tard. Bahamas, Mars 2002.



Parmi les requins qui trimbalent une sale réputation, on trouve le requin bouledogue, également connu selon les zones géographiques sous le nom de bullshark, requin du Zambèze, requin du Lac Nicaragua et parfois confondu avec le requin du Gange, en fait plutôt placide. Ces diverses appellations tiennent pour partie au fait qu’il y a quelques dizaines d’années, certains, Cousteau le premier (cf. Cousteau, Les requins), croyaient qu’il s’agissait de plusieurs espèces différentes. On pensait ainsi que le requin du lac Nicaragua était une espèce endémique qui s’était retrouvée prisonnière lors d’une baisse du niveau des mers en des temps éloignés. On méconnaissait alors la capacité du requin bouledogue à remonter les fleuves comme le ferait un saumon. On ignorait son pouvoir d’adaptation à deux milieux radicalement différents, l’eau douce et l’eau de mer, rendu possible par la capacité de son foie à stocker du sel qu’il libère quand il se trouve en eau douce.

Au cours des dix dernières années, la cote d’agressivité du requin bouledogue a sérieusement augmenté. Requin encore largement méconnu de beaucoup il n’y a pas si longtemps, il est passé bien malgré lui au premier plan, en partie sous l’effet de la réhabilitation du Grand requin blanc. C’est connu, quand on disculpe un suspect, il faut vite trouver un nouveau coupable. Comble de l’ironie, on est à peu près sûr aujourd’hui que les attaques qui avait inspiré Peter Benchley pour rédiger les Dents de la mer, qui eurent lieu à Matawan Creek dans le New Jersey en 1916, étaient le fait d’un requin bouledogue. Pourquoi en est-on sûr ? Parce que Matawan Creek est situé à 20kms à l’intérieur des terres et que seul un requin bouledogue s’aventurerait aussi loin en eau douce, mais aussi parce que le dernier doute qui tenait à la température de l’eau dans le New Jersey, jugée trop froide pour un requin bouledogue, a semble t-il été levé par la récente capture d’un spécimen de cette espèce en Nouvelle-Zélande (une première). Ainsi, le requin bouledogue a totalement endossé l’ancien costume d’assassin de son lointain cousin le grand requin blanc. Les Dents de la mer, en fait, c’était lui.

Peut-on dire néanmoins que le requin bouledogue soit agressif ? Les nombreuses séries d’attaques qui eurent lieu en Afrique du Sud et notamment celles de 1974-75 après la pose des filets de protection sur les plages de la côte sud du Natal, ainsi que celles plus proches de nous lors de l’été 2001 sur les plages de Floride, semblent confirmer que oui. L’attaque dont a été victime le « scientifique » Suisse Erich Ritter à Walker’s Cay en Avril 2002, alors justement qu’il cherchait à démontrer le peu de probabilité d’une telle attaque, paraît confirmer également cette mauvaise réputation.

Le requin bouledogue est-il pour autant "agressif" ? Certes, il est impliqué dans de nombreuses attaques, même si on a tendance à lui faire porter l’entière responsabilité de séries qui impliquent peut-être également d’autres espèces, néanmoins il convient de souligner que celles-ci comportent toutes une similitude : des eaux troubles, une visibilité qui n’excède pas deux mètres dans les meilleurs cas. C’est le cas des embouchures de rivières. De surcroît, dans la mesure où le requin bouledogue s’aventure en eau douce, on n’a pas de mal à comprendre que c’est une des espèces qui s’approche le plus près des plages. Et quand il y a des vagues, l’eau est souvent trouble. On comprend mieux pourquoi les surfers sont particulièrement menacés. A Walker’s Cay, au nord des Bahamas, où Ritter connut son accident, les requins bouledogues nagent dans 50 cm d’eau et Gary Adkinson, le directeur du centre de plongée m’a affirmé qu’ils les avaient vus parfois quasiment s’échouer pour attraper un morceau de thon sur un rocher. En nageant aussi près du bord, le requin bouledogue est probablement l’espèce qui a le plus de chance de tomber nez à nez avec l’homme.

L’accident de Ritter a confirmé la thèse de l’eau trouble comme condition quasi nécessaire d’une attaque. Au cours du tournage d’une séquence pour Discovery channel, le sable du fond avait été remué par les nombreux plongeurs de l’équipe, troublant ainsi momentanément l’eau. C’est alors que survint l’attaque, précipitée par une autre cause : un rémora (poisson ventouse se nourrissant des restes du repas des requins) déroba au nez et à la barbe d’un requin bouledogue un morceau de poisson. S’ensuivit une brève course poursuite en eau trouble où le rémora, s'inspirant probablement de Tex Avery, passa entre les jambes du Dr Ritter qui se fit ensuite mordre par le squale qui le suivait. Ritter faillit y laisser sa vie et sa jambe dont il perdit néanmoins l’usage normal, alors même que le requin l’avait relâché immédiatement après avoir mordu. Dans une situation d’eau trouble, saturée d’odeur de poissons, le requin ne se dirigeait probablement plus qu’au son, au toucher et aux courants électriques tout en percevant certains contrastes de couleurs (or les jambes de Ritter étaient nues et blanches).

Cette deuxième cause que constituait le rémora est également très intéressante. Le requin bouledogue réagit soudainement et au quart de tour. J’ai moi-même plongé à Walker’s Cay avec ces bullsharks une dizaine de jours avant que ne survienne cette attaque. L’eau était cristalline. Alors que je rentrais pour la seconde fois dans l’eau, je commettais l’erreur d’introduire une de mes palmes dans l’eau un peu brusquement. Immédiatement les requins qui tournaient pour certains à quelques dizaines de mètres se dirigèrent à toute vitesse dans ma direction pour voir ce qui avait causé ces remous. L’avertissement était clair : pas de gestes brusques, pas de remous en surface, pas de basse fréquence. L’incident fut sans conséquence parce que l’eau était limpide.

Certes, les bouledogues de Walker’s Cay étaient conditionnés à réagir à de tels remous en surface parce que les morceaux de poissons qui les attiraient en cet endroit leur étaient jetés depuis une plate-forme en bois et produisaient les mêmes fréquences quand ils heurtaient la surface, mais qui nous dit qu’en chaque endroit le requin bouledogue n’est pas conditionné d’une certaine manière qui varie et qui nous échappe. En effet le territoire du requin bouledogue n’est pas aussi étendu que celui d’autres variétés et on retrouve systématiquement les mêmes individus sur les mêmes récifs à divers moments de l’année. En Afrique du Sud, des spécimens ont été retrouvés au maximum à une centaine de kms de l’endroit où ils avaient été marqués quelques années auparavant. Le requin bouledogue a donc peut être plus de raisons que d’autres grands requins d’être un animal d’habitude. Trevor Krull a constaté le même effet d’accoutumance sur Protea Banks. Il fut le premier à plonger sur ce récif en tant que pêcheur sous marin et quand il emmena les premiers plongeurs bouteilles, il semble que les requins bouledogues aient d’abord considérés que « plongeur = pêcheur sous marin ». Les premières plongées furent apparemment épiques, les requins chargeant les plongeurs et déviant leur course à la dernière seconde pour les intimider. Les plongées sur Protea débutèrent en 1993-94 et aujourd’hui, 12 ans plus tard, les requins ne sont plus aussi intéressés par les plongeurs qu’ils ont rangé dans une case apparemment sans grand intérêt pour eux. Ainsi, le comportement du bouledogue peut changer, il peut s’habituer progressivement à une nouvelle situation, ce qui le rend hautement imprévisible puisqu’on commet l’erreur de croire que tous les individus d’une même espèce se comportent de la même manière. Ceci explique aussi les différences constatées entre les différentes populations selon les endroits du monde. Ainsi on dit les requins du Zambèze plus agressifs que leurs cousins des Caraïbes, mais rien ne prouve cette assertion à ma connaissance.

En résumé, le requin bouledogue n’est certainement pas le plus agressif des requins. Il ne faut pas se méfier de cette espèce en soi, mais plutôt des circonstances dans lesquelles on peut la rencontrer. Le même individu pourra s’avérer extrêmement dangereux dans les eaux troubles et saturées d’odeur de l’embouchure d’un port comme celui de Mombassa et quasi inoffensif sur un récif en eaux claires quelques kms plus loin. Toujours à Walker’s Cay, Gary Adkinson en compagnie du Dr Fernicola mena une expérience en jetant des morceaux de poissons recouverts de plastiques alors que les requins bouledogues étaient en soi-disant situation de « frénésie » alimentaire. Il s’avéra qu’alors que l’eau était toujours cristalline, les requins n’avalèrent, ni ne mordirent le plastique, se contentant de vérifier la texture avec leur derme. Une fois de plus, l’eau était claire.

Il convient donc, quand la présence du bouledogue est probable, d’éviter les eaux troubles et saturées d’odeurs, les battements de pieds en surface et surtout de porter une combinaison de plongée sans contrastes de couleurs. A cet égard, le port de gants est préférable.

Le requin bouledogue est aujourd’hui probablement un des requins les plus menacés sur les côtes sud-africaines (cf. lien). Le danger que nous courons en sa présence est infime par rapport à celui qu’il court en la nôtre.

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13/04/2006

Et si Nicole était amoureuse ?



Dyer island, Cape province (Afrique du Sud), Juillet 2005,
Un grand requin blanc sud africain, probablement dédaigné par Nicole


Une femelle grand requin blanc, Nicole (ainsi nommée d’après l’actrice Nicole Kidman, grande amie des requins), marquée en Afrique du Sud dans la province du Cap, a été revue en Australie, pour ensuite réapparaître 99 jours plus tard en Afrique du Sud. Il s’agit de la plus longue migration jamais observée pour un requin (les précédentes à ma connaissance concernait des requins bleus marqués dans le New Jersey et vers Nantucket et retrouvés respectivement dans le Golf de Biscaye et sur la côte du Natal au Brésil). Nicole a parcouru 20 000 kms.

Nul ne sait exactement pourquoi elle a accompli une telle migration. Pour de la nourriture ? C’est peu probable car on trouve a peu près les mêmes sources de nourriture en Afrique du Sud qu’en Australie (grands bancs de poissons pélagiques, colonies de phoques) ? Pour la reproduction ? Peu probable également, les grands blancs mâles sud africains sont aussi canons que les australiens et il n'y a que l'embarras du choix. Et puis de toute façon, Nicole, vue sa taille de 3m80, n’avait pas encore atteint la maturité sexuelle, puisqu’on pense qu’une femelle grand requin blanc n’atteint cette maturité que vers 4,50m.

Mais peut être que les grands requins blancs n’attendent pas la maturité sexuelle pour éprouver leurs premiers sentiments amoureux. N’avons nous pas éprouvé nous mêmes de tels sentiments dès notre plus tendre enfance. Et s’il y a plein de mâles en Afrique du sud, peut-être n’ont ils pas le charme d’un certain requin australien qu’elle a peut être rencontré un jour sur les côtes sud africaines ? Le fait qu’il y ait plein de femmes autour de nous ne nous a jamais empêchés d’en aimer une et une seule habitant à l’autre bout du monde. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour Nicole ?

12/04/2006

Une question de chance



Le requin marteau halicorne au moment où il passe devant ma femme, juste avant d'atteindre le récif.


N°5 : Abu Kafan, au large de Safaga (Egypte), le 9 Octobre 2003

Nous avons quitté notre mouillage des Brothers le soir précédent, à contre-cœur, suite à un vote démocratique organisé par notre guide qui a passé la semaine à m’expliquer qu’en dessous de 30m, il n’y a rien à voir. Ca dépend de ce qu’on cherche. Beaucoup de requins pensent l’inverse.

Comme le soulignait Tocqueville, la démocratie, c’est le gouvernement de la moyenne. La chose s’est vérifiée une fois de plus. Il a été décidé de laisser tomber une dernière plongée sur le fantastique site de Big Brother pour se rapprocher de Safaga, notre port d’attache, et plonger sur Abu Kafan, pourtant accessible de la côte par les bateaux journaliers. Notre guide a bien vendu sa soupe aux plongeurs crédules qui nous accompagnent et la semaine sur les Brothers s’est en fait transformée en un court séjour de trois jours.

Abu Kafan, le profond, est connu pour ses tombants vertigineux qui descendent à pic à plus de 200 m de fond. Le récif est souvent balayé par un fort courant, ce qui est bon signe : « Big current, big fish ! » comme disent les sud africains.

Deux plongeurs lyonnais (habitants de Lyon), persuadés que nous sommes chanceux, décident de se joindre à notre palanquée habituelle, composée de trois suisses, de ma femme et de moi. Il faut dire qu’au cours des jours précédents ils n’ont pas vu grand chose, pendant que dans le même temps nous croisions un requin renard, plusieurs requins marteaux halicornes et une pelletée de requins gris. Il faut dire que pendant qu’ils longeaient le récif le nez collé aux coraux sans doute à guetter les nudibranches (je n’ai rien contre les nudibranches, mais il faut savoir ce qu’on cherche), nous errions dans le bleu 25 m plus loin. Le courant était, je l’avoue, fort clément pour les Brothers.

Lors du brief d’avant plongée, on nous a informés que nous serions largués par le zodiac sur la pointe nord du récif . S’il y a des requins, c’est là qu’ils seront. Nous devons ensuite nous laisser dériver en longeant le versant Ouest jusqu’à plus d’air. Le jour commence à se lever, il faut se dépêcher.

C’est parti. Pas de check en surface, ni à 5m, nous descendons directement sur le récif pour ne pas dériver avec le courant. Malheureusement, le largage a été raté. Nous sommes trop au sud et la pointe est devant nous, à contre-courant. Nous obliquons vers le versant Ouest et tant pis, nous décidons d’affronter le courant. Nous progressons difficilement rocher par rocher, en nous accrochant. Alors que je me retourne pour voir si les autres suivent, je m’aperçois que les lyonnais ont laissé tomber. Au bord de l’essoufflement, nous nous arrêtons et fixons le bleu, solidement arrimés au récif, tout en prenant garde de ne pas poser la main sur un poisson pierre ou scorpion.

Vue la profondeur qui doit être de 35 m environ, nos réserves d’air diminuent rapidement. Je m’en inquiète quand tout à coup un requin gris, fuselé comme une torpille, fait son apparition. Il décrit quelques cercles à une quinzaine de mètres s’approche puis repart dans le bleu.

Quelques secondes après qu’il ait disparu, un second requin fait son apparition. Bien qu’il soit de profil, je reconnais à son aileron dorsal qu’il s’agit d’un requin marteau hallicorne. Les rayons de soleil du matin donnent à son corps une apparence métallique. Il s’approche doucement le long du récif et commence à le survoler ou plutôt à le surnager. Afin de poursuivre ma prise, je le suis malgré le courant (je sais, il ne faut jamais suivre un requin, mais bon il s’agit d’un requin marteau hallicorne, d’ordinaire plutôt timide et inoffensif). C’est dans ces moments là et seulement dans ces moments là que les séances de musculation accomplie au cours de l’année prennent leur sens. Sa tête en marteau oscille d’un côté à l’autre. Sans doute est-il encore en train de chasser, façon détecteur de mines. Il finit par s’immobiliser face au courant et je fais de même. Il repart et n’en pouvant plus j’abandonne.

Je rejoins les autres un peu plus loin au dessus du récif. Nous nous laissons dériver quelques minutes quand tout à coup nous apercevons la silhouette caractéristique d’un requin corail, aussi connu sous le nom de requin de récif à pointes blanches. Il s’agit d’un adulte d’environ 1m50 (le requin corail ne dépasse que rarement 1m80) qui accomplit sa ronde au dessus du récif. Je le suis (décidément) et le regarde s’éloigner quand, sous un large acropore, j’aperçois un second requin corail qui tourne nerveusement. Je m’approche, il se tâpit au fond coincé par un autre bloc de corail. C’est un petit requin qui fait environ 70-80 cm, il semble nerveux. Je l’éclaire avec mes projecteur pour obtenir une meilleure prise quand j’entends ma femme qui crie dans son embout, une de ses spécialités.

Je me retourne, elle me fait signe de regarder vers le haut. C’est alors que j’aperçois d’abord trois raies mantas puis, quelques secondes plus tard, trois autres. Les six raies tournent comme un carrousel autour d’un axe constitué par les rayons diffractés du soleil. La lumière a dû attirer le plancton dont elles se nourrissent. Elles restent à tourner quelques instants, suffisamment pour que j’ai bien le temps de les filmer puis s’en vont en formation, tout en déployant leur ailes majestueuses.

Au gré de nos diverses rencontres la planquée a volé en éclat et je me retrouve à faire le palier avec ma femme et un suisse qui a perdu ses amis. Nous les retrouvons ensuite sur le zodiac qui vient nous chercher. Alors que nous rentrons, j’aperçois les premiers bateaux journaliers qui arrivent de Safaga pour passer la journée sur le récif. A leur bord, il y a sûrement des gens qui repartiront le soir en disant qu’il n’y a pas de gros sur Abu Kafan. La nature appartient à ceux qui lèvent tôt et Abu Kafan à ceux qui dorment sur place.

De retour sur le bateau, l’un des deux lyonnais que nous avions perdus en début de plongée m’explique qu’il s’est séparé de nous parce qu’il a respecté le brief (il peut donc être fier de lui) et qu’il a vu un requin corail. Je lui fait à mon tour la liste de nos rencontres qu’il écoute en fronçant les sourcils d’un air concentré. Il conclut par un magistral « En fait, c’est une question de chance ! ».

07/04/2006

Machines à tuer


Roussette ou chien de mer, the Manacles, Cornwall (Royaume Uni), Juin 2004.
C'est sur un spécimen de cet espèce que des scientifiques de l'université de Boston ont posé des implants neuronaux.

Des scientifiques, financés par l’armée américaine, ont créé des implants neuronaux permettant de manipuler à distance les signaux reçus par le cerveau d’un requin et ce, afin de contrôler les mouvements de l’animal et peut être de décoder ce qu’il ressent.

Le Pentagone voudrait tirer avantage des capacités que possède le requin de se déplacer quasi-silencieusement dans l’eau, de capter les signaux électriques et de repérer des sources odorantes à très grande distance. En télécommandant les mouvements de l’animal, il souhaite transformer ce dernier en espion furtif, capable de suivre des vaisseaux sans être repéré.

Au même titre qu'on ne devrait pas laisser les intellectuels jouer avec les allumettes, on ne devrait jamais laisser les militaires jouer avec les découvertes scientifiques.
Il faut savoir que ce même projet a été approuvé par une commission Ethique en se fondant sur le fait que ces recherches pourraient nous renseigner sur les comportements des requins, que nous connaissons encore si mal, et qu’elles pourraient également stimuler les recherches en matière de lutte contre les effets de la paralysie.

Alors que le grand public commence à peine à comprendre que le requin n’est peut être ni une machine, ni un tueur, des Frankenstein en treillis s’acharnent à prouver l’inverse. La Nature n’est même plus domptée, elle est manipulée. Comme nous. Qui nous dit que ces requins ne transporteront pas des charges explosives? Qui nous dit que ces implants neuronaux seront demain réservés aux seuls paralytiques ? Qui aura les télécommandes ?

On n’arrête pas le progrès, certes, mais, de temps en temps, ne pourrait-on arrêter le Pentagone ?

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22/03/2006

Chacun pour Nous



Walker's Cay, Bahamas, Mars 2002. Requins gris des caraïbes, requins à pointes noires et requins nourrices. La coïncidence était congelée et avait des écailles.

Quand les requins se déplacent en bandes, ils ne prennent jamais le bus ensemble. Quand ils sont tous là, c’est parfois juste parce que chacun d’eux allait au même endroit. Drôle de coïncidence. Et s’ils sont là, d’autres feraient mieux de ne pas y être. Chacun pour soi et tous pour un.

Un groupe de requins est une communauté d’individus agrégés. Quand on en voit pleins, c’est quelque fois un embouteillage. 800 requins marteaux, sur une autoroute magnétique à n’en plus finir, passent comme un coup de vent sur une nappe de plastique. Ils sont ensemble pour un instant et s’éloignent en se dépixellisant. L’un après l’autre.

21/03/2006

La mémoire du présent

Quel souvenir peut-on avoir de ce qui est en train de se passer? Quand le ceci pénètre le cela, les contours entre ce qui est et ce qui a été deviennent un peu flous, certes, mais ça dépend, ça dépend de ce que l’on perçoit. Les requins ont deux sens dont nous sommes dépourvus : leurs lignes latérales, comme celles des poissons qu’ils ne sont pas, leur permettent de voir derrière leur dos et le nôtre, tandis que leurs ampoules de Lorenzini éclairent des dimensions électriques qui nous échappent. Leur mode de fonctionnement nous est étranger. Ils ont la tête remplie de ce qui ne fait que passer et qui leur prend les trois quarts de l’Espace. Ils ont l’art de saisir le fugitif et de ne pas s’y attarder. Leur intelligence est autre.

Ils ont sans cesse des idées derrière la tête.

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04/03/2006

Le sens dans lequel tournent les sardines



Requins sombres et dauphins communs limant la boule de sardines



N°1 : Southport, Kwazulu Natal (Afrique du Sud), le 29 Juin 2005)


Le mois de Juin, sur la côte du Kwazulu Natal, c’est le temps de la migration des sardines… quand elles viennent. En effet, il n’y a pas eu de migration en 2003 et seulement quelques poches ont été aperçues en 2004, mais une seule poche peut suffire à faire l’expérience d’une vie.
D’après Trevor Krull et Grant Smith, que nous accompagnons depuis 10 jours à raison de sept heures de Zodiac chaque jour, il s’agirait d’un cycle coïncidant avec El Nino. Tous les 5 ou 6 ans, il n’y a pas de migration et l’année qui suit est généralement une petite année. C’est le fruit de ses observations et non de la théorie. La migration devrait donc reprendre en 2005. Doucement.

Pas si sûr, car des oiseaux de mauvaises augures pensent que le réchauffement climatique et la surpêche ont peut être mis un terme au phénomène ou l’on peut être déréglé. J’en doute car le trou dans la couche d’ozone qui génère le réchauffement est au nord et nous sommes au sud, là où toutes les choses tournent dans l’autre sens, comme Coriolis l’a révélé.

Rien ne s’est vraiment passé les sept premiers jours, mais les fous montés du Cap étaient là. Ils n’étaient pas là en 2003. Je le sais, on me l’a dit.
En trois jours, les choses ont bien changé. L'eau est à 19°, alors qu'elle était à 22° les jours précédents. Une température de sardine (comme quoi ce n'est pas une question de contre-courant, que personne n'a d'ailleurs jamais observé). Elles sont maintenant partout. Avant hier, nous avons vu des requins cuivres sauter en dehors de l’eau, sans que nous arrivions vraiment à distinguer où se trouvait la poche qu’ils attaquaient et qui se déplaçait vers le Nord en ordre un peu dispersé. Nous n’avons pu vérifier de visu car l’eau était bien trop trouble, donc bien trop dangereuse pour plonger. Un jeune anglais qui nous accompagne et qui en doutait en a fait la constatation à peu de frais. Alors qu’il venait de se mettre à l’eau pour tenter de s’approcher de deux dauphins communs, ce qui était probablement un requin cuivre l’a bousculé et en quelque sorte goûté avec sa peau.

Hier, nous avons enfin trouvé la boule d’appât pour laquelle nous sommes venus, mais nous n’avons pas pu entrer dans l’eau. La visibilité était de 2m et, du coup, les requins mangeaient dans le noir.
Une boule d’appât est une poche de sardines que les dauphins isolent du banc principal et font remonter à la surface en l’effrayant par des rideaux de bulles. Afin de se protéger, chaque sardine se met à tourner en rond et l’ensemble forme une espèce de toupie géante.
Une boule d’appât, c’est un modèle d’individualisme, aussi lâche qu’une société qui part en couille et qui va le payer jusqu’à son dernier membre. Chaque sardine se protège par l’autre, croient-elles, alors qu’elles ne pensent qu’à elles-mêmes. C’est l’effet meute. Sauf qu’une meute de gazelles est plus intelligente. Au moment de l’attaque d’un prédateur, chacune part dans une direction différente : l’intérêt de chacun sert celui de tous. Parfois, souvent d’ailleurs, tout le monde s’en sort. Les sardines, elles, ces connes, préfèrent tourner en rond plutôt que de partir chacune dans une direction. L’intérêt de chacune dessert celui de toutes. Une à une, elles se feront avaler et la toupie géante disparaîtra, comme un évier qui se vide, dans le sens de rotation que Coriolis a révélé.

Ce matin, comme chaque matin, nous avons quitté la base à 7h. Très vite, un message radio nous a indiqué qu’une boule d’appât était en train d’être attaquée par des requins renard. Personne n’a jamais photographié ou filmé un requin renard en train de se rassasier. Chasse t-il vraiment avec sa longue queue ? Cherche t-il à tuer de la sorte ou juste à donner des claques aux poissons? Quand nous arrivons, non seulement la bataille est finie, mais en plus la cavalerie est partie. La vérité, nous ne la connaîtrons peut-être jamais.

Heureusement, la radio nous signale une autre poche d’activité, non loin de là, à deux kms plus loin. Sauf qu’à l’oeil nu, à juste 600 m, des oiseaux, de bonne augure cette fois, dénoncent par leur carrousel aérien un centre d’activité que personne n’avait encore remarqué. Ils plongent les ailes fermées de 15 m de haut, comme les fous qu’ils sont. C’est Pearl harbor dans l’océan indien. En fait non, car ces Kamikazes ressortent de l’eau. Nous nous approchons. Les dauphins communs patrouillent la zone. Cette fois il y a au moins 7m de visibilité. Nous allons enfin pouvoir nous mettre à l’eau.

De la surface il semblerait qu’il s’agisse d’une petite poche. Le zodiac nous dépose à une quinzaine de mètres de l’emplacement que les plongeons des oiseaux, ainsi qu’un léger bouillonnement sporadique en surface, nous désigne. Quelques ailerons de requins, dorsaux et caudaux déchirent de temps à autre la surface. Il s’agit de requins sombres que les anglo-saxons appellent Duskies (Carcharhinus obscurus). Nous sommes huit plongeurs. Mes compagnons s’équipent de bâtons pour repousser les éventuels curieux qui se feraient trop pressants. Vu la taille des requins, qui atteint trois mètres pour les plus gros, ces bâtons sont plus là pour rassurer qu’autre chose. Mais bon, Cousteau ne prétendait-il pas que le « débordoir », sorte de bâton à bout clouté, était la seule protection vraiment utile face à un requin. Quoiqu’il en soit, je ne me pose même pas la question, puisque mes deux mains sont occupées à tenir mon caisson vidéo.

Afin de rester mobile et de pouvoir remonter à tout moment, nous avons laissé les bouteilles sur le zodiac et nous sommes munis d’un simple tuba. Nous nageons en groupe vers la boule d’appât. Peu à peu des silhouettes apparaissent derrière un rideau de bulles et de particules en suspension. D’abord des dauphins communs, généralement par petites escadres de trois, puis des requins qui passent en dessous de nous et disparaissent en descendant vers le fond. Enfin nous apercevons la masse de sardines. Les dauphins travaillent à maintenir la boule compacte. Ils la frôlent pour l’obliger à se resserrer. Les requins, eux, semblent attendre leur tour en dessous tout en bloquant toute sortie vers le bas.

Il convient de ne pas trop s’approcher de la boule car celle-ci est extrêmement mobile, comme un punching ball, et l’on aurait vite fait de se retrouver au beau milieu. Trevor semble extrêmement nerveux, un peu agacé par l’inconscience d’un plongeur qui s’approche beaucoup trop près. Il faut dire qu’il y a trois ans, c’est à dire lors de la dernière apparition des sardines, un photographe pris au milieu de la boule s’est fait mordre par erreur par un requin cuivre. Cette fois, même si quelques requins cuivres sont présents, il s’agit surtout de requins sombres, bien plus gros, dont la morsure pourrait être beaucoup plus sérieuse.

Je me sens dopé par l’excitation. Je n’avais jamais vu autant de requins d’un coup, y compris lors d’un shark feeding au Bahamas. Ils sont partout, entourés d’oiseaux qui se servent de leurs ailes comme de nageoires et poursuivent les sardines jusqu’à trois ou quatre mètres. Par curiosité, je décide de faire une petite apnée. Je descends vers les sept/huit mètres, c’est encore pire. C’est la place de l’étoile à six heures du soir, sauf que toutes les voitures ont des ailerons. Je n’ose descendre plus bas. Le courage et l’air me manquent. Il faut dire que le plongeur auquel j’avais fait signe avant de faire mon canard ne m’a pas suivi. Je me sens un peu seul.

A la surface, c’est un peu l’anarchie parmi les plongeurs. Trevor est de plus en plus nerveux. Il nous demande de faire nage arrière. Il repousse quelques requins un peu trop curieux qui dès qu’ils sont piqués s’éloignent nerveusement d’un coup de queue. Une exception cependant. Un requin sombre, beaucoup plus long et gros que les autres, reste sans réaction après avoir été piqué. Il se contente de regarder mon compagnon avec ce qu’on pourrait prendre soit pour de l’incompréhension, soit pour du mépris. Il semble se dire « Qu’est-ce que cette chose me veut? ». Un des rares requin cuivre présent disperse sur son passage quelques fous du cap qui s’éloignent à tire d’aile, comme des pigeons s’envoleraient devant un piéton.


La boule d’appât revient vers moi. Très près. Trop près. Je m’éloigne et m’apprête à tenter une nouvelle apnée quand je m’aperçois que ma caméra ne réagit plus aux commandes. De l’eau vient d’entrer dans mon caisson. Je décide de le maintenir en dehors de l’eau tout en retournant vers le zodiac. Ca tombe bien, les requins sont de plus en plus inquisiteurs. De toute façon, je ne veux pas être dans l’eau quand ils en auront fini avec les sardines qui sont de moins en moins nombreuses.

Je retourne au zodiac rejoindre Grant qui est resté de garde. Génial lui dis-je en lui passant mon caisson inondé. A bord, j’assiste à la fin du repas en filmant avec ma seconde caméra. Elles y passeront toutes, gobées, comme des cacahuètes, jusqu’à la dernière.
Après coup, deux questions demeurent : Pourquoi suis-je aussi heureux alors que j’ai ruiné une bonne partie de mon matériel ? Est-ce que les sardines de l’hémisphère nord tournent dans l’autre sens, comme Coriolis l'a révélé ?

23/02/2006

Sous l'eau



Requin marteau halicorne,
Big brother (Egypte), flanc Est,
le 7 Octobre 2003



Il y a des lions de mer, des requins léopards, des raies aigles et des requins tigres, y compris en Afrique. Il y a des raies électriques, des bancs de poissons disjoncteurs et des poissons lune. Il y a des danseuses espagnoles, des poissons chirurgiens, mais aucun requin stéthoscope. Il y a des requins marteaux et des poissons scies, mais il n’y a pas d’océan Bouatahoutique. Il y a des mines flottantes, des crevettes boxeuses, des limaces de mer, des huîtres perlières, des coraux à tête de cerveaux et aussi des chiens de mer. Avec tout ça, on pourrait faire un monde.

Il y a des poissons géographes, des poissons écureuils et même des poissons pierre. Pourtant, il n’y a pas de requin phoque, ni de phoque requin. Il y a bien des phoques léopards, mais personne ne sait où ils se sont rencontrés.

Il y a des chevaux de mer, des poissons ventouses, des requins zèbre, des poissons trompette, des sergents majors, des demoiselles et même des loups de mer.

Parfois, on a l’impression que le dessous de l’eau n’est qu’un reflet du dessus, alors que tout ce qu'il y a sous l'eau ne se reflète pas sur terre. Il nous manque des choses et des mots.

21/02/2006

Les requins ont peut être de l’humour

Cette époque a le défaut qu’il faille qu’on lui précise tout. Finis les décalages entre les mots et l’expression du visage. Finies les stupidités balancées avec un rictus d’huissier.

Aujourd’hui, il faut souligner ce que l’on ressent par des grimaces outrées, au cas où l’autre n’écouterait pas. Il faut jouer ses émotions au niveau de la voix, au cas où l’autre ne regarderait pas. Car les autres ne sont pas toujours bien là. On le croit, mais non. Ils sont le plus souvent déconnectés de leur environnement immédiat. Ils ont besoin qu’on leur montre qui l’on est. Aujourd’hui, il faut d’abord paraître.

C’est peut-être pour cela que le dauphin est un animal qui nous paraît tellement sympathique. En effet, il paraît toujours gai. Il sourit tout le temps. Il sourit quand il nage, il sourit quand il saute, il sourit quand il mange. Il sourit même quand il souffre et quand il meurt. Est-on bien sûr d’ailleurs qu’il sourit tout le temps ?

Non seulement il sourit, mais en plus il rit. D’un rire de dauphin, certes, mais d’un rire qui ressemble étrangement à celui de certains humains. Hin, hin, hin hin. Et s’il peut rire, c’est qu’il doit avoir de l’humour.

C’est certain, les dauphins doivent avoir de l’humour. Ne sont-ils pas d’ailleurs farceurs ? Toujours prêt à surprendre un nageur, à plonger d’un côté pour réapparaître à l’improviste de l’autre. On les dit facétieux.

Alors que le requin, c’est tout le contraire. S’il surprend un nageur, c’est évidemment pour l’attaquer, ça n’a rien de facétieux. D’ailleurs, si on a le malheur de lui prêter un sourire, c’est toujours un sourire sadique, dénué d’humour. D’ailleurs, il sourit, mais il ne rit pas.

Qu’en sait-on d’ailleurs ? Ces ailerons qui dépassent de l’eau n’ont pas l’air bien sérieux. En effet, pourquoi laisser dépasser son aileron au bord d’une plage et créer une panique parmi les baigneurs, si ce n’est pour déconner ? Pourquoi foncer sur un plongeur et dévier sa trajectoire au dernier moment si ce n’et pour provoquer l’hilarité.

Qui nous dit que les requins n’ont pas d’humour. Ce ne sont peut-être que des pince-sans-rire qui cachent bien leur jeu. Qui nous dit qu’ils ne sont pas pris d’un violent fou rire quand ils retournent au large, vers les profondeurs ? Si leur humour est incompris, c’est peut-être juste que leurs blagues, vieilles de 180 millions d’années, ne sont plus tout à fait de ce temps.

01:25 Publié dans Requineries | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : requin, dauphin, humour